Page 9

Succès et Revers ~ Partie 1

Yahweh, vous êtes mon Dieu, je vous exalterai, je louerai votre nom, car vous avez fait des choses merveilleuses; vos desseins formés de loin sont fidèles et termes (Is 25, 1).

VISITE COMBLÉE

Dans l'exercice de leur charge et de pasteur, que les Evêques soient au milieu de leur peuple comme ceux qui servent.

Nous sommes au vingt-troisième jour de janvier 1930. Monseigneur Georges Courchesne qui a encouragé le début de l'Oeuvre, se rend à Lac-au-Saumon.

Soeur Ouellet, directrice au Cénacle, nous raconte cette visite.

Vers 6 h. 30 du soir, nous étions à notre petite chapelle quand nous entendons ouvrir la porte d'entrée. Quelle surprise: Sa Grandeur Monseigneur Georges Courchesne et notre Père Fondateur.

Ensemble nous nous rendons à l'appartement qui nous sert de communauté, de dortoir et de salle de noviciat. Comme nous étions heureuses de nous sentir si près de Monseigneur, de l'entendre nous questionner, nous taquiner, etc. Puis il nous bénit, " Demain, dit-il, je viendrai vous dire la messe. "

Le 24 au matin, après la messe, il ouvrit le missel, commenta l'Evangile du jour, puis se recueillant quelques minutes, reprit, sérieux et grave:

L'Eglise, comme je vous l'ai écrit dans ma lettre de bonne année, se recueille avant d'enfanter une nouvelle famille religieuse destinée à entourer le prêtre d'une atmosphère de prières. Mes chères enfants, quand Monsieur l'abbé Alexandre Bouillon m'a proposé cela, je lui ai dit: " Marchez et je verrai".

 

J'ai laissé faire et aujourd'hui je viens vous donner les grandes lignes que vous devrez suivre: Je m'inspire de l'Epitre de saint Paul pour vous dire: " Soyez bonnes, très bonnes, trop bonnes, excellemment bonnes pour tous: pour vos soeurs, les prêtres, les malades, les orphelins, les vieillards que vous servirez car vous serez au service du prêtre et de ses oeuvres. "

La Bonté, il en faut partout, mais surtout dans le coeur de la religieuse. Soyez humbles, simples. Ah! la belle simplicité religieuse, quel charme elle répand autour d'elle! Soyez prudentes, sages, réservées, discrètes.

Je désire et je veux que cette famille soit bien distincte des autres familles similaires qui sont vouées au service des prêtres. (...) Vous mes filles, je veux que toujours et partout vous preniez les presbytères tels qu'ils sont sans y rien changer. Je serais même fort heureux si vous n'aviez qu'une cuisine qui vous servirait en même temps de réfectoire, de salle de travail et d'oratoire où toutes vos prières seraient faites.

Entourer le prêtre de prières! Savez-vous, mes filles, qu'il doit vous entendre prier? Pour cela apprenez à prier de cette prière qui part du coeur et s'élance directement vers Dieu. L'Eglise, par vous, veut donner le bon exemple aux gens du peuple au milieu desquels vous vivrez. Quel exemple pour eux quand ils vous verront à votre ouvrage, calmes, modestes, recueillies, n'exigeant rien, vous contentant des appartements existants et cela non seulement pendant les premières années de votre vie religieuse, mais toute votre vie. Si l'on vous donne un bon logement, soyez heureuses: si vous en avez un mauvais, sans commodité soyez-en plus heureuses encore. Ainsi vous imiterez mieux votre divine Mère et Patronne, la Reine du Clergé dans son humble maison de Nazareth où elle n'avait ni parloir, ni réfectoire, mais une seule pièce.

La directrice s'agenouille aux pieds de l'Evéque et demande que la grande dévotion de la future Congrégation soit l'Eucharistie.

Oh! oui, répond Sa Grandeur. Que votre culte particulier soit jésus dans l'Eucharistie. Etudiez sa vie humble et cachée. Aimez-le pour ceux qui ne l'aiment pas. Adorez-le pour ceux qui ne l'adorent pas et que votre vie soit une réparation continuelle des outrages qu'Il reçoit dans son sacrement d'amour.

Puis il nous bénit paternellement nous dit: " Marchez toujours dans l'étroit sentier de la vertu. Je vous suivrai de près. Au revoir. "

De retour au presbytère, Monseigneur Georges Courchesne adresse au Délégué Apostolique, la lettre suivante.

Lac-au-Saumon (Matapédia)
le 24 janvier 1930

A Son Excellence Mgr Andrea Cassulo
Archevêque de Léontopolis
Délégué apostolique au Canada et Terreneuve
Ottawa

Excellence,

Je désire porter à la connaissance de Votre Excellence qu'un de mes curés, après m'en avoir demandé la permission, a commencé dans sa paroisse la fondation d'une pieuse société de jeunes filles destinées à servir dans les presbytères et à faire le service de la liturgie des sacristies, avec, comme dévotion spéciale, le respect de la présence réelle, et, comme moyen de perfection, le sentiment habituel de la présence de Dieu. Comme le prêtre a la garde de la présence réelle au saint autel et qu'il est chargé d'entretenir dans les âmes ce sentiment habituel de la présence de Dieu, elles se constitueraient donc comme des aides du clergé, dans la tenue des presbytères mais aussi dans l'exemple du respect de la mission essentielle du sacerdoce.

M. l'abbé Alexandre Bouillon, curé de Lac-au-Saumon, prêtre estimable, sérieux, pieux, de moeurs tout a fait ecclésiastiques, est le fondateur de cette société, dont les membres, réunis depuis le 8 décembre dernier dans une maison qu'il leur a préparée, sont au nombre de cinq, sous l'autorité d'une directrice âgée de plw de cinquante ans, sage, pieuse, et capable de diriger une oeuvre de ce genre.

Le fondateur aimerait, naturellement, que cette pieuse société devint une communauté religieuse, avec approbation de l'autorité légitime. C'est pourquoi je mets Votre Excellence au courant, me réservant de présenter la question à la S.C. des Religieux, dès que les linéaments seront assez dessinés.

Je crois que l'oeuvre a sa raison d'être. Le service des presbytères devient un problème de plus en plus difficile, en nos régions où il y a tant d'égalité entre toutes les classes de la société. Les fondations existantes, ne répondent pas à nos besoins. (...)

Il n'y a rien d'arrêté définitivement au sujet des constitutions, Le costume sera simple. Un habit noir, avec cornette, bandeau et voile.

Si Votre Excellence juge que je dois présenter immédiatement ma demande à Rome, je le ferai. Ma présente lettre est pour voua demander s'il m'est permis de donner l'autorisation aux cinq pre. mières recrues de commencer leur postulat le deux février prochain, après une retraite, afin d'être prêtes à commencer leur noviciat è l'été, le 2 juillet?

Veuille Votre Excellence agréer l'hommage de mon entier et affectueux dévouement en N.S.,

Georges Courchesne, év. de Rimouski

P.S. J'oubliais de mentionner qu'elles prendraient le titre de Servantes de Marie Immaculée. Reine du Clergé.

Le 28 janvier 1930, il reçoit cette réponse.

Monseigneur,

J'ai bien compris tout ce que vous avez voulu m'écrire $ propos de l'oeuvre proposée par le bon Curé du Lac au Saumon. Mais, à l'état des choses, la Délégation Apostolique ne peut pas porter sa parole sur le projet. La chose regarde l'Ordinaire diocésain et la Sacrée Congrégation des Religieux. C'est pourquoi je pense que ce que vous avez écrit au Délégué Apostolique, vous pouvez le faire connaître à la S. Congrégation et attendre sa parole.

Veuillez agréer mes cordiales salutations et me croire, cher Monseigneur, votre aff. serviteur

A. Cassulo, Arch. de Léont. Dél. Ap.

Pendant qu'au Cénacle la fondatrice procède à la formation de ses compagnes, le fondateur poursuit son travail d'élaboration.

Lac-au-Saumon (Matane)

A Sa Grandeur
Monseigneur Courchesne,
Evêque de Rimouski.

Monseigneur,

J'ai l'honneur de vous remettre les papiers relatifs à notre future communauté des Soeurs Servantes de Notre-Dame Reine du Clergé. A la page 7, article VIII, u Des rapports avec les étrangers", j'ai inclus le cas où une Sueur devra être comme servante, seule au presbytère. Vous verrez cela, et corrigerez, n'est-ce pas.

De même, il sera bon de revoir tout l'ensemble; car je n'ai pas la prétention d'être canoniste.

Je n'ai mis que la première partie. Quant à la deuxième qui traite du gouvernement de la Congrégation, s'il est nécessaire de l'avoir, vous voudrez bien me le dire n'est-ce pas, et je tâcherai d'y répondre de suite.

De Votre Grandeur, Monseigneur, Je me souscris le dévoué serviteur,

A. Bouillon, ptre.

Le 30-1-30

DEMANDE A LA SACRÉE CONGRÉGATION

Respectant le charisme du Fondateur et satisfait de sa visite, Monseigneur Georges Courchesne présente sa requête à la Sacrée Congrégation.

Evêché de Rimouski le 9 février 1930

Monsieur l'abbé Arthur Douville
Collège Canadien
Rome, Italie.

Mon cher ami,

Voulez-vous soumettre à la Congrégation des Religieux la demande que je lui adresse par vous de permettre la fondation d'un institut ou d'une congrégation dans mon diocèse? Vous trou. verez, dans les feuilles ci-jointes, et dont je n'ai pas eu le courage de prendre copie, tout ce qu'il faut pour soumettre à la Congrégation, du but et du caractère de la communauté projetée. Elles sont présentement cinq réunies avec ma permission en pieuse association, dans le village du Curé du Lac-au-Saumon. Mes curés soupirent après les .avantages d'une oeuvre de cette nature.

La seule difficulté pourrait venir de ce que les règlements parlent du cas où une seule religieuse serait chargée de service d'un presbytère. Si l'on s'y oppose absolument, nous enlèverons ce proviso. Mais il faut comprendre que la formation des Soeurs peut-être faite de manière que ce cas se réalise sans inconvénient.

Il est bien entendu que tant que les religieuses sont jeunes, chaque mission doit les voir aller deux à deux au moins. Mais, dans le cas d'une mission de colons on comprend qu'il peut-être bien utile à un prêtre d'avoir le secours d'une religieuse d'5ge mûr et tout à fait canonique. Les Soeurs de l'Espérance vont isolées au service des malades et leurs constitutions ont eu leur approbation.

Enfin, vous ferez ce qu'il y aura à faire. Et je suppose l'on m'enverra la note à payer, en même temps que la permis sollicitée.

Bien à vous avec amitié en N.S.

Georges Courchesne, év. de Rimouski

Le 25 février 1930, le fondateur reçoit cette réponse:

Cher Monsieur Bouillon,

J'ai retardé à vous répondre à cause de l'absence de Monseigneur.

Oui, les documents sont partis pour Rome.

Bien à vous en N.S.
S. E. Chénard, Ptre, Procureur

PERSPECTIVE DE FUSION

A peine né, le futur Institut devient un sujet de contradiction. Les oeuvres de Dieu sont marquées du sceau; la Rédemption: la Croix.

Tout semblait se dérouler normalement lorsque Monsieur Bouillon reçoit un choc douloureux pour sa foi.

Des Franciscaines venues des Etats-Unis désirent fonder un nouveau couvent de leur ordre dans le diocèse. Monseigneur Georges Courchesne songe à fusionner les quelques membres de la future Congrégation avec elles.

Mais après avoir rencontré les dites Franciscaines, la fondatrice comprend qu'il s'agit moins d'une fusion que d'une " absorption, sans concession".

Du Cénacle, des prières nombreuses et ferventes montent vers le ciel afin d'obtenir les lumières de l'Esprit-Saint.

Le Cénacle. Salle paroissiale rénovée qui devient en 1929
le berceau de l'Institut. La communauté y demeura jusqu'au 20 nov. 1942

Le 18 avril 1930, le fondateur, intervient auprès de l'Evêque.

Lac-au-Saumon (Matane)

A Sa Grandeur Monseigneur Courchesne.
Evêque de Rimouski.

Re: Projet de fusion: les Soeurs Franciscaines avec les Soeurs de la future Communauté de Marie Reine du Clergé.

Monseigneur,

Depuis la visite de Votre Grandeur pour nous parler du projet de " fusion ". j'ai réfléchi, consulté et surtout bien prié. Voici ce que je crois devoir répondre à cela: Ce projet ne me semble pas être favorable à tous points de vue; et nous n'aurions probablement rien à gagner, mais tout à craindre peut-être.

La fondation de la future communauté a reçu de Votre Grandeur un encouragement réfléchi, pesé et donné comme Autorité diocésaine. La fondatrice, après des hésitations légitimes qu'amenait une responsabilité à prendre devant Dieu et devant les hommes, sur les conseils éclairés, prudents, comme aussi encourageants de Votre Grandeur a bien voulu accepter généreusement et se dévouer. Depuis. elle s'emploie corps et âme au succès de l'ouvre que le bon Dieu semble bénir, puisque les demandes d'entrée se font d'une manière encourageante.

Un changement qui serait une entrave au bien qu'elle est appelée à faire et qui donne déjà de si fortes espérances pour l'avenir, me semblerait nuisible au progrès de l'Oeuvre.

L'orphelinat que vous avez à coeur d'ouvrir, pourrait être tenu par nos Soeurs, lorsque le temps en sera venu.

Pour ce qui est du matériel: le moment venu, nous trouverons d'abord ce qu'il faut pour construire à l'épreuve du feu la Maison mère à l'endroit indiqué par Votre Grandeur.

Pour la vie: jusqu'à présent nous nous sommes occupés de voir au nécessaire; et tout va bien, grâce à Dieu. Comme les Soeurs commencent à travailler pour les autres, elles pourront bi tôt se suffire par elles-mêmes.

Pour ce qui est du spirituel, la Providence aidera Votre Grandeur à y pourvoir, je l'espère, et un Père Eudiste, si nécessa pourrait être Aumônier. Dans tous les cas, cette question s plus facilement traitée par vous Monseigneur, que par moi, n'ai pas autorité pour le faire.

Pour toutes ces raisons et pour beaucoup d'autres encore je ne puis écrire, il me semblerait que cette " fusion " ne serait pas voulue du bon Dieu, qu'elle me parait être opposée à la bonne opinion que nous devons avoir du jugement sage et prudent de l'Autorité, comme aussi opposée à la justice envers la Fondatrice qui s'est donnée pour les commencements de l'oeuvre, et alors opposée à la charité.

En vous donnant ces explications, Monseigneur, je n'ai pas autre chose en vue que de faire du bien et de travailler à la plus grande gloire du bon Dieu.

Voilà pourquoi, Monseigneur, Vous pouvez compter sur mon entier dévouement et ma parfaite soumission au bon vouloir Votre Grandeur.

Vous priant de me bénir et mes oeuvres, je suis toujours, Monseigneur, de Votre Grandeur, le très humble et dévoué serviteur.

A. Bouillon, ptre.
18-4-30

Monseigneur Georges Courchesne se rendant à Rome, Monsieur le Curé Bouillon lui offre ses voeux.

Lac-au-Saumon (Matane)

A Sa Grandeur Monseigneur Courchesne,
Evêque de Rimouski

Monseigneur,

L'heure approche; bientôt Vous nous quitterez pour la Ville des Papes. Permettez-moi, Monseigneur, de venir vous offrir mes voeux de bon et heureux voyage; et à cette fin, je ne manquerai pas d'offrir au bon Dieu des prières toutes spéciales. Je prierai aussi pour que votre demande auprès de la Sacrée Congrégation de reconnaître notre a Congrégation des Sceurs Servantes de Notre-Dame Reine du Clergé " soit agréée favorablement.

Je vous en prie, Monseigneur, ne pensons plus à la " fusion"; car c'est la mort de nos espérances et du bien que nous attendions réaliser par ce moyen; j'en ai de plus en plus la ferme conviction. Ne nous préoccupons pas du matériel; nous aurons ce qu'il faut, et loin d'être à charge au diocèse, notre Communauté lui sera un secours efficace.

Je suis sûr que si vous le voulez, Monseigneur. Votre Gran, deur si bien douée, saura plaider notre cause avec succès; car la Sacrée Congrégation ne pourra faire autrement que Vous comprendre et acquiescer à vos désirs. Comme l'idéal et les oeuvres de ces deux futures Communautés ne sont pas les mêmes, rien n'empêche qu'elles soient reconnues indépendamment, et le bon Dieu saura donner à chacune le succès nécessaire à l'avancement. Nous comptons donc sur votre appui, Monseigneur, et nous avons confiance que la réponse sera: " La Congrégation des SS. Servantes de N.-D. Reine du Clergé reconnue".

Dans cet espoir, et avec confiance, je vous redis, Monseigneur, bon voyage et revenez-nous bien vite.

Votre tout dévoué serviteur

A. Bouillon, ptre

Le onze août, le vénéré fondateur, qui est en retraite à Rimouski, se fait l'interprète de Monseigneur l'Evéque et écrit à la fondatrice:

(...) La fusion ne se fera pas, Rome ne le veut pas. Pour ce qui est de votre communauté ou Pieuse Association, c'est une affaire à être examinée quand vous aurez fait vos preuves.

Pour le moment vous devrez avertir les aspirantes qu'elles peuvent venir et nous tâcherons de développer l'oeuvre le plus possible.

Je vous expliquerai mieux les choses quand je serai au Lac. J'ai vu Monsieur le Curé de Rivière-Bleue, il est bien et vous salue.

Mes respects à vos consoeurs.

A. Bouillon, ptre.

DIRECTIVES PASTORALES

De loin, Monseigneur Georges Courchesne s'intéresse au progrès de l'Oeuvre et lui donne en temps opportun des conseils sages et remplis d'esprit surnaturel.

Evêché de Rimouski, le 17 septembre 1930

Monsieur l'abbé Alexandre Bouillon
Curé de Lac-au-Saumon
Matapédia

Cher Monsieur le Curé,

Je mets bien du temps à vous donner par écrit ma réponse au sujet de notre pieuse association destinée à venir si opportunément en aide à notre clergé. J'ai posé la question à Rome. On n'aime pas, là-bas, à donner si tôt une approbation. On préfère laisser une ceuvre prendre naissance sous la surveillance de l'évèque, sous la forme d'une pieuse société, qui peut fort bien fortifier ses cadres et sa vie intérieure par une affiliation à un Tiers-Ordre. Puis, quand l'oeuvre a donné des preuves de sérieux, et que l'on est en état d'attester qu'elle rend service à la religion, une approbation temporaire peut se solliciter.

Vous avez déjà reçu mon approbation dans votre projet et dans ce qui en est déjà exécuté. Continuez à encourager de ma part ces pieuses filles, qu'elles montent la garde autour du Très Saint Sacrement et qu'elles sanctifient leur travail par le sentiment habituel de la présence de Dieu. Qu'elles maintiennent parmi leurs intentions de prières la sanctification du clergé. Pour ce qui est de la partie temporelle de cette oeuvre, qu'elles se fassent un devoir de se renseigner et de renseigner les jeunes recrues sur la tenue de la maison et de tout ce qui sert à la table, afin de donner plus tard satisfaction par leurs bons et économiques services dans les presbytères, à mesure que les sujets seront d'âge et de préparation voulus.

Je prie Dieu de bénir votre entreprise et je compte sur votre piété et sur votre zèle pour donner à ces pieuses filles, soit par vous-même, soit par votre vicaire, quand il le pourra, les instructions spirituelles qui les maintiendront dans l'état d'esprit où il faut être pour que la ferveur d'une communauté se maintienne.

Veuillez agréer, cher Monsieur le Curé, l'assurance de mon affectueux dévouement en N.S.

Georges, év. de Rimouski

NOUVELLES DÉMARCHES

Le Père Molinari, S.J., dans son article: " Discernement de l'Esprit " , nous démontre les actions fécondes réalisées par l'âme sous la direction de l'Esprit d'amour.

(...) Je me réfère à de nombreux passages de l'Ecriture Sainte où il nous est dit que Dieu a parlé à des personnes qti il avait choisies pour une tâche déterminée. Les circonstances individuelles varient beaucoup d'un cas à l'autre, mais les lignes générales sont toujours les mêmes. Dieu demande à ces personnes d'entreprendre une tâche difficile, fréquemment dangereuse ou même - humainement parlant - tout à fait désespérée. Elles se rendent compte de leur incapacité humaine, intellectuelle, sociale ou même morale; cependant elles ne peuvent pas avoir de doutes concernant la volonté de Dieu. Il se peut qu'elles fassent savoir à Dieu combien elles sont bouleversées par son choix et combien est grande la disproportion entre leurs propres forces insignifiantes et la grandeur et la difficulté de la tâche à laquelle elles sont appelées. Mais alors Yahvé leur parle et leur dit:

Ne dis pas: Je suis un enfant. Mais va vers tous ceux à qui je t'enverrai et tout ce que je t'ordonnerai, dis-le. N'aie aucune frayeur devant eux; car je suis avec toi pour te protéger, oracle de Yahvé ( Jr 1, 7-8 ) .13

En lisant ces lignes nous ne pouvons que reconnaître la puissance de l'Esprit animant le Serviteur de Dieu. Chargé d'un mandat particulier, tout en étant humblement soumis, Messire Bouillon ne craint pas d'exposer clairement ce qu'il croit être le plan du Seigneur.

Lac-au-Saumon (Matane)

A Sa Grandeur Monseigneur Courchesne,
Evêque de Rimouski.

Monseigneur,

Selon Votre désir, je suis allé à Montréal rencontrer le Révérend Père Langlais. Provincial des Dominicains. Voici ce qu'il m'a dit: a Je n'ai pas d'objection à recevoir dans le TiersOrdre de S. Dominique la Pieuse Association dont vous me parlez; mais comme le Père Général doit venir en octobre prochain, j'aime mieux attendre; et je vous donnerai une réponse à la fin d'octobre ".

Pour entrer dans la famille dominicaine, il faudra que nos Soeurs prennent l'habit blanc et un peu du règlement dominicain.

Voici ce que j'ai pensé, Monseigneur, et je Vous le suggère:

Par un décret du Père Général Franciscain, obtenu il y a plusieurs années déjà, j'ai le privilège d'organiser le Tiers-Ordre de S. François. Est-ce qu'il ne serait pas mieux pour nous, et pour hâter le service que nos Soeurs pourraient rendre, de les recevoir dans le Tiers-Ordre Franciscain, puis faire une petite cérémonie de prise d'habit (elles auraient alors un costume religieux qui serait ou à peu près celui de leur future Congrégation); puis au bout d'un an une autre cérémonie pour leur permettre de faire promesse d'obéissance, de chasteté et de pauvreté pour un an. Alors elles pourraient de suite, après cette dernière cérémonie, se mettre à l'oeuvre, en attendant le décret de Rome.

Si Votre Grandeur accepte cette organisation, le temps venu et étant avisé, pourriez-vous venir présider ces cérémonies?... Pourrions-nous les faire d'une manière un peu solennelle, à l'église, en y invitant les gens, ou serait-il mieux de nous servir de la petite chapelle de nos Soeurs, et sans invitation?

Une réponse détaillée, me disant bien tout ce que je pourrai faire dans la circonstance me rendrait service.

Votre tout dévoué et humble serviteur,
A. Bouillon, ptre, curé

Le 18-9-30

Le même jour il reçoit la réponse suivante.

Cher Monsieur Bouillon,

Monseigneur agrée votre dernière proposition. Si cela vous va, il se rendra chez vous le 3 d'octobre, donnera à vos Filles le 4 samedi - l'habit que vous aurez préparé, et fera les cérémonies voulues dans l'intimité de la petite chapelle de la communauté.

Votre tout dévoué en N.S.

S. E. Chénard, Ptre, Chancelier.

PRISE D'HABIT

Seigneur, en ta puissance le juste se réjouit: en ton salut il est au comble de l'allégresse. Tu as répondu au désir de son âme (Ps 20, 2-3).

Monseigneur accédant à cette proposition, le Fondateur et la Fondatrice procèdent à la préparation de cette cérémonie. Lune retraite de huit jours est prêchée par le R.P. Chabot, O.M.1., du presbytère Notre-Dame de Lourdes, Mont-Joli. Un grand recueillement, une fervente prière animent l'âme de ce premier groupe. Le 22 septembre 1930, Monsieur Bouillon écrit:

Monseigneur,

Nous serons prêts pour le 4 octobre prochain, et selon votre bienveillante promesse, nous attendrons Votre Grandeur dès la veille au soir.

Nos Soeurs sont dans une sainte allégresse et remercient Votre Grandeur de leur permettre la prise d'habit religieux dans la Pieuse Association des "Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé ".

Veuillez me croire, Monseigneur, votre très humble serviteur.

A. Bouillon, ptre.

Le 4 octobre de cette même année 1930, la fondatrice et ses compagnes reçoivent des mains de Monseigneur Georges Courchesne, l'habit de l'Association et un nom nouveau. L'Evêque rédige lui-même l'acte de vêture dont voici la teneur:

Le quatre octobre de l'an mil neuf cent trente, Nous soussigné, Evêque de Saint-Germain de Rimouski, avons donné l'habit et le voile à quatre Tertiaires de Saint-François réunies en une pieuse Association sous le nom de Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé, à l'effet de se vouer, avec l'approbation de l'Ordinaire, à diverses oeuvres de charité au service du Clergé, avec le soutien spirituel de la prière et de la contemplation en présence du Très Saint-Sacrement. La cérémonie de la vêture a eu lieu à sept heures du matin avant la célébration de la Sainte Messe, laquelle a été suivie d'une instruction de l'Evêque sur l'Evangile de la fête de Saint-François.

Ont pris l'habit et le voile:

Marie-Anne Ouellet, en religion comme Tertiaire, Soeur Marie de Saint-Joseph-de-l'Eucharistie, laquelle, comme Supérieure de l'Association des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé, a reçu un voile noir; Marie-Yvonne Saint-Laurent, Soeur Marie de Saint-Edmond; Antoinette Vallée, Soeur Marie de Sainte-Anne; Marie-Florentine Couture, Soeur Marie de Saint-Bernard, lesquelles trois dernières ont reçu le voile blanc comme novices Tertiaires.

Etaient présents Monsieur l'abbé Alexandre Bouillon, Curé de la paroisse de Saint-Edmond de Lac-au-Saumon, fondateur de la dite pieuse Association des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé; Monsieur l'abbé Zénon Gendron, curé de Saint-Léon-le-Grand ( Matapédia ) ; Monsieur l'abbé Pierre Sirois, curé de Saint-Raphaël d'Albertville; Monsieur l'abbé Jean-Baptiste Beaupré, curé de Sainte-Marguerite-Marie ( Matapédia ) ; Monsieur l'abbé Louis-Philippe Canuel, retiré au Lac-au-Saumon, et Monsieur l'abbé Edouard Côté, vicaire de Monsieur le Curé Bouillon, ainsi que Soeur Saint-Théophile, supérieure des Soeurs du Saint-Rosaire à Lac-au-Saumon, avec trois de ses soeurs et leurs élèves, qui ont fait le chant, et plusieurs parents et amis des Tertiaires qui ont pris l'habit. La cérémonie a eu lieu dans la pieuse chapelle des dites Tertiaires située dans leur résidence, non loin du Presbytère.

Signé: Georges Courchesne, év. de Rimouski, A. Bouillon, Ptre, Curé de Lac-au-Saumon (Matane); Zénon Gendron, Curé de St-Léon-le-Grand; Edouard Côté, vit, à Lac-au-Saumon; Ls-Philippe Canuel; Albert Lamontagne, vit. à S.-Léon-le-Grand.

Mystères joyeux, mystères douloureux se succèdent. A l'exemple du Christ et de la Vierge, n'est-ce pas la trame dont est tissée chacun des jours de toute vie humaine? Le fiat du Divin Exemplaire et de sa Très Douce Mère deviennent alors la force et le soutien dans la lutte à soutenir pour remporter la victoire.

L'année 1931 comporte divers événements: Visite à l'Honorable Louis-Alexandre Taschereau, Premier Ministre; accident grave de la fondatrice; une 2ième prise d'habit; la première profession dans le Tiers-Ordre de Mère Marie de Saint-Joseph-de-l'Eucharistie, fondatrice et directrice de l'Oeuvre.

Marie-Anne Ouellet, en religion, Sr. Marie-Joseph de l'Eucharistie

VISITE AU PREMIER MINISTRE

Lac-au-Saumon (Matane)

A Son Excellence Monseigneur Courchesne,
Evêque de Rimouski.

Monseigneur,

Je suis monté à Québec: j'ai vu l'Honorable Premier Ministrd et lui ai parlé du secours que nous sollicitons pour arriver à construire la Maison Mère de nos Soeurs, et d'y hospitaliser IesÎ vieillards et les orphelins. J'étais au bureau de l'Honorable Ministres accompagné de monsieur le Député Dufour et de monsieur l~ Docteur Lessard. Après avoir exposé mon affaire, voici ce que l'Honorable Premier Ministre m'a dit: a Faites faire un plan d'une bâtisse de $100,000.00 et venez trouver monsieur le Docteur Les sard, et ce Monsieur vous donnera satisfaction ". Après l'entrevue] monsieur Lessard m'a dit: Nous ne construisons pas seuls; vous pouvez compter sur 50%; quelque fois nous donnons davantage' Ce qui laisse à espérer, n'est-ce pas; car je voudrais avoir ce montant nécessaire ou à peu près, et alors je m'assurerai d'un bon entrepreneur et je ferai faire l'ouvrage à la journée, je sauvera quelques mille piastres, et nous pourrons arriver à construire avec ce que nous aurons de Secours de l'Assistance Publique.

Je veux établir un état de déboursés tel que je l'indique sur la feuille ci-jointe. Il est évident que nous n'irons pas à ce mon tant, car je veux arriver et ne faire que ce qui pourra laisser la communauté sans dette.

Pour arriver à un succès au sujet du secours, Monseigneur, nous avons besoin de votre appui, et il nous faut frapper fort. Voici ce que j'ose vous demander:

M'écrire une bonne lettre à l'adresse de l'Honorable Premier Ministre et à Monsieur Lessard que vous conaissez sans doute, établissant, ou à peu près, les faits suivants.

1- La communauté est jeune et a été réunie d'après vos désirs, afin de répondre aux besoins du diocèse;

2- Cette communauté se trouve établie dans ce coin du diocèse déjà populeux, mais de formation assez récente, et alors éloignée des centres qui pourraient venir à son secours;

3- Ce soin du diocèse, qui est la Vallée de la Matapédia est dans un besoin immédiat, vue la distance, d'une maison de refuge pour les vieillards et les orphelins;

4- Que la communauté, devant faire des dépenses considérables pour l'acquisition d'une propriété indispensable aux fins de l'Institut, des préparatifs nécessaires à cette construction, tel que nivellement du terrain, aqueduc à conduire du réseau municipal, à la Maison à construire, des dépendances urgentes pour les besoins présents, etc, ne peut assumer une dette pour la construction elle-même, etc...

En un mot, mettre tout ce qui pourra appuyer fortement notre demande, quitte ensuite pour nous, ayant un montant raisonnable, de nous débrouiller, en sollicitant de nos gens des corvées, etc.

Il nous faut, Monseigneur, construire sans retard; car déjà la bâtisse où se trouvent actuellement nos Soeurs est trop petite. Nous avons 14 sujets, nous en attendons une autre le 17 mars, et 5 à 6 autres les premiers jour de mai. Nous aurons une prise d'habit (elles seront 10), dans le cours du mois de mai. Nous avions pensé au 28 avril; mais la maladie de la Révérende Supérieure nous fait attendre. Cette Supérieure doit se rendre à l'Hôpital de Rimouski par express demain matin, le 12 mars. Elle souffre des suites d'une chute, en tombant d'un escabeau, et le Docteur Moreau nous fait dire de l'envoyer de suite à l'Hôpital, que c'est déjà trop tard peut-être (il y a 10 jours). Le Docteur d'ici prétendait le transport non nécessaire.

J'écris à l'architecte Jos Marchand à Rimouski, qui fait les plans, de vouloir bien se rendre vous les soumettre avant de me les expédier, le 16 mars, afin que je puisse de suite monter à Québec. J'espère donc avoir votre lettre de recommandation ces jours-ci, et à l'avance, Monseigneur, nous vous remercions.

Votre très humble serviteur,

A. Bouillon, ptre.

Le 11-3-31

Dépenses prévues à l'occasion de la construction de la Maison-Mère des Soeurs Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé, au Village de Lac-au-Saumon.

Coût de la construction de la Maison Mère    $100,000.00
Pour les terrains .   11,000.00
Pour Aqueduc,    1,000.00
Pour Dépendances    5,000.00
Imprévus,     4,000.00
Total   $121,000.00

A. Bouillon, ptre.

Lac-au-Saumon (Matane)

Nous ne ferons pas toutes ces dépenses; car j'espère avoir au moins une partie du terrain, gratis pro Deo; mais en établissant ce que peut coûter le tout, si le Département consent à nous donner au moins les deux tiers, comme il le fait pour les Soeurs de S. Damien, nous pourrions arriver à avoir le montant nécessaire à la construction.

Maintenant, Monseigneur, me permettriez-vous de faire auprès de la Fabrique les démarches nécessaires pour que nos Fabriciens consentent à céder à nos So2urs, la chapelle S. Joseph, avec le terrain qui lui a été donné pour cette chapelle. Ce terrain m'avait été donné à moi-même, mais ne prévoyant pas les besoins actuels, en passant le contrat, j'ai tout remis à la Fabrique. Nous aurions besoin de ce terrain, car il faudrait construire sur une partie de ce terrain, et à l'avenir, les Soeurs, comme vous me le disiez, pourraient s'occuper du soin de la chapelle, et l'aumônier, s'occuperait des pélerins.

Si l'estimation de la chapelle et du terrain était de $1,000.00, ce qui ferait 25,000. frs, je pense, que nous n'aurions pas besoin d'avoir recours à Rome, et je ne crois pas que le tout dépasse ce montant.

Si vous nous le permettez, Monseigneur, nous y verrons de suite.

Je demeure toujours, Monseigneur, de votre Excellence, le tout dévoué serviteur,

A. Bouillon, ptre

Le 11 mars 1931.

Le 12 mars 1931, Monseigneur appuie fortement la demande de Monsieur Bouillon et ajoute un argument:

Ce coin du diocèse est populeux, bien que jeune, et j'espère que les maisons de secours de ce genre ne doivent pas être trop centralisées en des villes, même au centre du diocèse. Le voisinage de la famille reste avantageux à ceux qu'on hospitalise.


Page 9



Publications diocésaines
Biographies des prêtres décédés