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SUCCÈS ET REVERS ~ PARTIE 2

LA FONDATRICE A LHÔPITAL

Le chrétien qui souffre est moins un homme que Dieu a frappé qu'un homme à qui Dieu a parlé - Louis Veuillot.

Devant cette nouvelle épreuve: l'accident grave de la fondatrice, le « pauvre de Yahweh » est porteur de foi et d'espérance. Cette foi active, cette prière fervente, ce sentiment de la présence de Dieu le poussent à l'action courageuse et austère, au renoncement à son égoïsme pour aider concrètement les autres.

L'échange de correspondance des fondateurs nous met dans l'atmosphère vécue à cette époque.

Hôpital S. Joseph
Rimouski, 6 avril 1931

Révérend M. A. Bouillon, Ptre, Curé
Lac-au-Saumon

Mon Révérend Père,

Qu'il y a longtemps que je suis partie. Inutile de vous dire que j'ai hâte d'être de retour à notre cher Cénacle. Mille fois par jour je confie nos chères enfants au Coeur de Jésus et à sa divi Mère qui est spécialement la nôtre. Depuis que vous êtes pl libre je suis moins inquiète vous pourrez les mieux suivre, chou celles qui seront plus aptes à la vie religieuse. J'ai bien prié souffert pour que le bon Dieu vous donne toutes les lumières nécessaires.

(...) Mon Père Sr X a dû vous dire les paroles de Sa Grandeur. Qu'il est bon de venir présider la prise d'habit le 23! Priez que je sois debout et que je marche. Le Dr dit que je me lève: à la fin de la semaine. Ensuite je m'en irai, je crois qu'il ne opposera pas car il s'est aperçu que l'éther que l'on respire ici me tient faible... Dès que je pourrai marcher avec des béquilles partirai quand même ce sera sur mon grabat ça ne fera rien. sens le bas de la jambe mais le genou ne bouge pas encore et souffre encore. Espérons que la semaine prochaine je serai av vous tous. Quel bonheur!...

Bénissez votre enfant qui offre toutes ses souffrances pour le bien de notre chère petite communauté.

Sr M. Jos, de l'Eucharistie.

Le 13 avril, elle écrit de nouveau:

Mon Père,

Enfin je commence à me lever, ce n'est pas sans peine d'une fois à l'autre je vais prendre des forces. Heureusement je ne suis pas chez nous et que nos chères petites Soeurs ne voi ni mon genou, ni mon pied quand les Mères me couchent elles croiraient finie à jamais.

Ce matin, j'ai demandé au Dr quand il allait m'envoyer. " Rien ne presse, dit-il; puis tu sais nous sommes des gens polis on met le monde à la porte que lorsqu'ils sont bien. " Ah! mon Père le bon Dieu va-t-il me demander le sacrifice de ne pas voir notre prise d'habit: ce serait là un grand sacrifice mais s'Il le veu faudra bien que je lui dise avec amour mon fiat pour attirer notre cher petit Cénacle ses grâces de choix.

Avez-vous un vicaire et comment vont toutes choses. Avezvous l'intention de commencer à bâtir cette année? Vous savez que Mgr nous en demande de 8 à 10. Alors tout notre futur noviciat. Je prie et demande au bon Dieu de vous donner toutes les grâces nécessaires pour conduire à bien votre grande entreprise qui commence à être comprise et désirée.

J'inclus deux petites lettres que vous voudrez bien, dans votre grande bonté, donner à nos Soeurs. Je voulais écrire à Sr X., il est trop tard, ce sera pour demain. Quel religieux avez-vous pour prêcher la retraite?

Dites à S. Joseph qu'il ne m'oublie pas. J'ai fait un marché avec lui, j'espère. Mes religieuses salutations à M. l'Abbé Canuel et à vous toute ma respectueuse soumission. Excusez l'écriture je suis assise dans une chaise sans appui pour mon papier.

Votre enfant dévouée en J.M.J.

Sr M. Jos. de l'Euch.


Lac-au-Saumon (Matane)

A la Rév. Soeur Marie Joseph de l'Eucharistie, S.N.D.
à l'hôpital de Rimouski

je viens de recevoir votre lettre que j'ai communiquée de suite à vos filles spirituelles. Je vois que la convalescence, arrive, à pas lent, il est vrai, mais " chi va piano, va sano ", dit le proverbe italien. Espérons que le bien et non seulement le " mieux" suivra bientôt; et que vous pourrez revenir bien vite au " Cénacle ". Il serait agréable à tout le monde de vous voir à l'occasion de la cérémonie de Prise d'Habit; mais, je suis de l'avis du Docteur, mieux vaut ne pas se presser, et être sûr du succès. Tout arrive à point à qui fait la volonté du Bon Maître, n'est-ce pas?... Nous prions tous pour votre prompte guérison, soyez en assurée; mais que la volonté du bon Dieu, en cela comme en tout le reste, soit faite...

C'est le Rév. Père Pacifique, des Capucins de Restigouche qui doit venir prêcher la retraite aux Soeurs. J'avais demandé le Père Hamelin, des Clercs S. Viateur, mais il est retenu pour jusqu'au au mois de juin. Il aurait bien aimé venir; et il me dit de bien fixer une date après mai, qu'il viendra sûrement. J'ai l'intention de le demander pour la retraite de la promesse des voeux, en octobre prochain, si le bon Dieu le veut.

(...) Voici les noms choisis par les postulantes: Soeur Cool sera désormais Soeur Marguerite-Marie du S. Coeur. Soeur Vallée sera Soeur Marie du Bon-Pasteur. Lucienne Paquet, sera Soeur Marie de S.-Georges. Germaine Paquet, sera Soeur Marie de la Paix. Soeur O'Brien, sera Soeur Marie de S. Alexandre. Soeur Frédette sera Soeur Marie de Ste-Berthe. Soeur Thériault, sera Soeur Marie de la Croix.

Je n'ai pas encore de vicaire, je ne pense pas en avoir avant les Ordinations. Messire Canuel ne peut plus entendre les confessions des Soeurs, il dit que cela le fatigue. C'est moi qui ai ce travail.

Oui, j'espère bâtir, du moins commencer cet été. J'attends une réponse du Département, pour voir aux plans, entrepreneur, etc. ainsi qu'au terrain. Vous serez ici en ce temps, et ce sera mieux de s'entendre pour le tout.

Monseigneur devra venir le 23, comme vous le savez. Les Soeurs se préparent pour cette date.

La neige disparaît, il en tombe encore, mais elle fond; cependant rien ne presse encore pour les jardinages. Quand le temps en sera venu, vous serez bien!...

(..) Oui, Monseigneur désire avoir nos Soeurs; nous ne pour tons pas lui donner le nombre projeté; car il en faut pour la Maison Mère. Nous pourrons en fournir 4 ou 5 pour commencer et si les postulantes nous arrivent nombreuses, durant le cours de l'hiver, nous pourrons grossir le nombre.

Je ne sais si celles qui se sont annoncées pour le 27 avril viendront toutes. Nous avons besoin de sujets, si nous voulons répondre aux besoins; mais il nous faut aussi être exigeants pour les accepter. C'est la qualité qu'il faut, surtout dès les commencements. Plus tard, quand un bon noyau sera formé, il sera plu facile d'accepter des sujets au caractère informe, qui pourront alors se modeler sur les anciennes, et avoir des guides expérimentés.

(...) Bonne santé donc à l'avenir, et je prie le bon Dieu de vous remettre sur pied et de vous expédier vers le " Cénacle " au plus vite.

Votre tout dévoué,

A. Bouillon, ptre

Le 15-4-31.


Lac-au-Saumon (Matane)

A Révérende Mère Marie Joseph de l'Eucharistie,
à l'hôpital de Rimouski.

J'ai bien votre lettre, oui, il faut s'encourager malgré tout et laisser faire. Tout arrive à point à qui sait se laisser mener par la divine Providence.

(...) Il y avait 8 prêtres à la cérémonie de vêture, ce matin; le R.P. Pacifique, le Curé d'Albertville, celui de Ste Marguerite-Marie, Monsieur le Curé de Causapscal et son vicaire étaie venus saluer l'Evéque la veille. II y avait aussi à la Cérémonie Monsieur le Curé de S. Léon avec son vicaire et Monsieur le Curé d'Amqui avec Monsieur Emile Sirois, missionnaire colonisateur et Monsieur Gamache, curé de S. Vianney.

Monseigneur a été enchanté et tous les prêtres semblent apprécier l'oeuvre... C'est le commencement de ce qui sera plus tard.

Monseigneur m'a demandé de lui fournir 4 à 5 sujets pour Sully. Je lui ai dit qu'il les aurait. Les Clercs S. Viateur préparent le local, et Monseigneur dit qu'en juillet probablement, les Soeurs pourront se rendre là. Toutes semblent contentes et heureuses.

Rien de neuf; du reste vos Soeurs doivent vous mettre au courant de tout. Monseigneur doit m'envoyer un vicaire en mai.

J'attends la réponse du Département au sujet de la demande d'aide pour construire. Le député Dufour, avant hier, m'écrivait qu'il espérait que dans quelques jours il pourrait me dire ce qui en est. Comme vous devrez être bien bientôt, et que vous serez ici avant longtemps, alors nous causerons sur ce qui sera nécessaire de faire, pour l'achat du terrain, etc.

Je prie toujours à vos intentions, votre dévoué,

A. Bouillon, ptre.

Le 23-4-31.

Pour ce qui se rapporte à cette construction nous savons quelle fut la réponse du Département. Ce que no pouvons dire c'est que la réalisation de ce projet n'eût li qu'en 1941, soit dix ans plus tard et la Congrégation assuma les dépenses.

PROMESSE DE VOEUX

Mère Marie de Saint-Joseph-de-l'Eucharistie revient au Cénacle le premier mai 1931. Sa jambe n'est pas parfaitement guérie. Elle ne le sera jamais et elle en souffrira jusqu'à ses derniers jours.

Le 17 octobre de cette même année, dans la chapelle Cénacle, en présence de Monseigneur Georges Courchesne Evêque de Rimouski, assisté de Monsieur l'abbé Alexandre Bouillon, fondateur de la Congrégation et de Monsieur l'abbé Louis-Philippe Canuel, aumônier, elle fait la promesse d'observer fidèlement les voeux de pauvreté, de chasteté d'obéissance.

Malgré l'épreuve de la maladie et d'autres inhérentes à toute fondation, elle gouverne l'Institut durant vingt ans. Au décès du fondateur, elle reste le flambeau éclairant dirigeant l'Oeuvre. En juin 1950, elle donne sa démission. Elle n'en reste pas moins active par son inlassable dévou ment, ses conseils et ses prières. Son âme " d'orante ", unie au Christ, attire les bénédictions du ciel sur l'Eglise, Peuple de Dieu et sa Congrégation.

Après une vie riche de mérites, une carrière éminemment longue, elle décède pieusement dans sa quatre-vingt-quinzième année, le 20 mai 1966.

" Le juste qui craint Dieu sera honoré par lui dans son travail, Dieu achèvera son oeuvre ".

JOUR D'ALLÉGRESSE

" Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur!"

Le calendrier d'avril 1932 enregistre une joie mémorable pour le fondateur. De nouvelles recrues sont venues grossir les rangs et sa joie est profonde de les offrir au Seigneur. N'est-ce pas un signe des "faveurs divines " sur l'Oeuvre confiée par le Très-Haut?

Lisons l'intéressant procès-verbal:

Le vingt-trois avril mil neuf cent trente-deux, nous prêtre soussigné, Fondateur de la communauté, curé de la paroisse de Saint-Edmond-du-Lac-au-Saumon, délégué de Monseigneur l'Evêque de Rimouski, avons donné le costume de l'association à hall postulantes, réunies en une pieuse Association, sous le nom de Soeurs Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé, dans l'église paroissiale de Saint-Edmond-du-Lac-au-Saumon.

Ont pris le costume de l'association: Mlle Marie Blanche Bouchard, dite Soeur Marie de S. Alphonse; Marie Eugénie Levasseur, dite Soeur Marie de Lourdes: Marie R. Berthe Leclerc, dite Soeur Marie de Jésus-Hostie: Marie Marguerite Thériault, dite Soeur Marie de S. Jean l'Evangéliste; Marie Edwidge Thériault, dite Soeur Marie de Ste Florence; M. A. Pierrette Caron, dite Soeur Marie de l'Assomption; Rose Victoire Dubé, dite Soeur Marie de la Sainte-Famille; Marie Jeanne Roy, dite Soeur Marie de Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus.

Ce même jour, avons reçu la promesse de stabilité pour un an dans l'Association de sept novices: Soeur Marie de S. Edmond, Marie Antoinette Vallée; Soeur Marie du Bon-Pasteur, née Marie Yvonne Vallée; Soeur Marie de S.-Georges, née Lucienne Paquet, Soeur Marie de la Paix, née Germaine Marcelle Paquet; Soeur Marie de S.-Alexandre, née Sarah Elisabeth O'Brien; Soeur Marie de la Croix, née Marie Anna Thériault.

Etaient présents: Rév. Père B. Lussier, O.M.I. de Mont-Joli prédicateur de la retraite préparatoire à la présente cérémonie Messire Alexandre Bouillon, curé de la paroisse de Lac-au- Saumon, M. Z. Gendron, curé de S.-Léon-le-Grand; Pierre Sirois curé d'Albertville; Joseph Ross, curé de Ste-Florence; François Lavoie, vicaire d'Amqui; Joseph Michaud, vicaire de Causapscal, Albert Lamontagne, vicaire de S.-Léon-le-Grand; J. Oscar Bérubé vicaire au Lac-au-Saumon: les RR. SS. du S. Rosaire, du couvent de S. Edmond du Lac-au-Saumon; plusieurs parents et amis de la communauté, et presque tous les paroissiens de Lac-au-Saumon et Messire Nazaire Caron, V.F., curé d'Amqui.

Signé: N. Caron, ptre; Z. Gendron, curé de S: Léon-le-Grand; P. Ross, curé de Ste-Florence; Albert Lamontagne, ptre de St-Léon-le-Grand; P. Sirois, ptre curé d'Albertville; Frs Lavoie, p vic. Amqui; J. M. Michaud, ptre à Caucapscal: J. Oscar Bérubé ptre, vic. Lac-au-Saumon; B. Lussier, O.M.L, de Mont-Joli; A. Bouillon, ptre curé de Lac-au-Saumon, délégué ad hoc.

SUR LES PAS DE NOTRE-DAME

" Comme Marie, Voyageuse mystique, sur les roj apostoliques, la Servante de Notre-Dame, Reine du Clergé chemine vaillamment, porteuse de Jésus et de dévouement."

Monsieur le Curé Alexandre Bouillon, fondateur de la paroisse de Lac-au-Saumon, et promoteur inspiré du projet de fondation d'un Institut de religieuses, spécialement vouée au service du Clergé, ne devait pas jouir de la présence ses filles spirituelles à son presbytère.

Son noble coeur, son grand détachement l'incitent à servir en premier lieu, ses confrères dans le sacerdoce.

Sur la liste plusieurs demandes sont inscrites. Deux Congrégations de religieux sollicitent les services des petites sceurs: Les Oblats de Marie Immaculée et les Clercs de Saint-Viateur.

Le 12 avril 1932, une lettre du Révérend Père Azarie Ménard, O.M.I Curé à Notre-Dame de Lourdes du Mont-Joli, est adressée à Monsieur l'abbé Alexandre Bouillon.

Cher Monsieur le Curé,

Nous songeons et plus que jamais à avoir des religieuses pour tenir notre maison, il nous en faudrait trois.

Voici qu'une communauté, fondée à Ottawa, vient de nous offrir ses services. Mais avant de répondre à cette communauté que je ne connais pas, j'aimerais savoir si vous pourrez nous en fournir et quand? Je vous félicite de la belle prise d'habit de l'autre jour.

Que Notre-Dame de Lourdes bénisse largement votre fondation.

Le Père J. A. Ménard, O.M.I, Sup. curé

La réponse est favorable puisqu'aux annales de la Congrégation on lit ce passage:

A la demande du Révérend Père Azarie Ménard, O.M.L, le premier mai 1932, un samedi, le premier essaim des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé au nombre de trois, dont Soeur Marie de Saint-Georges, supérieure, se dirige vers Mont-Joli .

... Quelques jours plus tard une lettre du Révérend Père Curé exprime à la Fondatrice: son bonheur, sa satisfaction et souhaite plein succès à la jeune communauté qu'il bénie.

La deuxième maison à solliciter l'aide des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé est le collège Notre-Dame-des-Champs de Sully. Les soeurs s'y rendent le 27 juillet 1932. Soeur Marie de Sainte-Anne, co-fondatrice est la supérieure. Le Révérend Père G. Dumas, C.S.V., remercie Monsieur l'abbé Alexandre Bouillon.

Sully, 15 août 1932

Monsieur le Curé,

Avant de quitter définitivement Sully pour me rendre à mon nouveau poste, le noviciat de joliette, je tiens à vous dire que nos quatre religieuses nous donnent un service excellent et je vous fais une part de remerciements que j'adresse à la Révérende Mère Supérieure générale.

Avec mes meilleurs voeux pour le succès de vos oeuvres paroissiales, veuillez agréer l'expression de mes remerciements, et croyez-moi votre tout obligé.

G. Dumas, C.S.V.

Les maisons se forment malgré les tâtonnements inévitables. Le fondateur tout à sa charge pastorale ne néglige pas de soutenir ses pieuses filles par de judicieux conseils.

Lac-au-Saumon (Matane)

Aux Révérendes Soeurs de Notre-Dame Reine du Clergé,
Missionnaires à Sully.

Mes bonnes Religieuses,

Je voulais vous écrire un mot d'encouragement; mais mille " petites " et " grandes " choses m'en empêchaient. Aujourd'hui, je laisse là ces importunes pour venir causer un peu avec vous. Si la distance n'était pas si longue, de temps en temps, j'irais constater moi-même vos progrès dans l'accomplissement de votre devoir, tout votre devoir. Je souligne ce mot à dessein; car c'est en cela que consiste toute la perfection que le bon Dieu attend de nous, n'est-il pas vrai?... De là vous concluez fort bien que pour devenir " un saint ", il suffit de vouloir; la grâce du bon Dieu ne faisant jamais défaut... Vouloir: voilà un petit mot qui contient tout n'est-ce pas? même notre petit bonheur en ce pauvre monde, où nous nous débattons tous comme de pauvres naufragés... Heureusement que pour nous conduire sûrement au port, nous avons l'Etoile de Marie: " Stella Maris "...

Vous voyez, mes bonnes Soeurs, que vous avez tout ce qu'Il faut pour arriver à la sainteté... Vouloir... Durant votre noviciat, votre intelligence et votre coeur surtout se sont nourris des principes de la véritable vertu; à vous maintenant de vous en faire l'application personnelle, et d'en recueillir les douceurs... " mon joug est doux et mon fardeau est léger. "

Prenez garde au démon de l'orgueil; si l'on vous humilie par une parole ou un acte réputés blessants à votre point de vue, le menteur est là pour vous le souffler, dites bien, si ce n'est encore du fond du coeur, du moins avec un bon vouloir: Merci, mon Dieu!... et faites votre devoir sans plus penser à ces bagatelles... Si, semblables à ces plantes qui " montent en orgueil " et que la moindre brise agite, vous êtes ballottées par des sentiments divers: aujourd'hui, pleines de ferveur et prêtes à tous les sacrifices; demain, languissantes et prêtes à tout quitter, chassez bien vite le menteur et dites-vous: " mon devoir avant tout "... Ces tentations peuvent donc arriver; voilà pourquoi j'en parle; et il me semble que ce sont les plus inévitables en ce monde trompeur... Le sommet de la vertu est dans la Croix. " In cruce summa virtutis "...

Je vous souhaite donc d'être toujours de vraies et bonnes religieuses; toujours dévouées au service du bon Dieu; et cela même au détriment des petites prétentions suggérées par le grand menteur... Nous ne sommes rien, et nous valons ce que nous sommes aux yeux du bon Dieu...

Du reste, votre bonheur, même en ce monde, dépend de votre vertu, et pas de vertu sans souffrances... De plus, la bonne renommée de votre Communauté vous presse à parvenir le plus vite possible à une grande perfection...

Je prie le bon Dieu de vous donner la grâce d'un " vouloir d'acier", lorsqu'il s'agit de la pratique des vertus qui font la bonne religieuse et prépare la "sainte"...

Je vous prie de ne pas m'oublier dans vos prières et sacrifi journaliers; afin " qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même ".

Bonne santé à toutes... Soyez prudentes sous ce rapport... fond de mon âme de prêtre, je vous bénis toutes.

Votre dévoué en Jésus et Marie Immaculée, Reine du Clergé

A. Bouillon, ptre.


Le 20 octobre 1932.

Mes Révérendes Soeurs,

Noël nous arrivera bientôt; puis ce sera ensuite le premier de l'an neuf... A cette occasion, je ne voudrais pas manquer venir vous faire mes souhaits et mes voeux de bonne persévérance dans le service du bon Dieu et de la Glorieuse Vierge Marie Immaculée, Reine du Clergé, votre chère et bien douce Patronne.

Je suis heureux d'apprendre que tout va bien chez vous, que vous vous exercez sans cesse à tout ce qui servira à votre avancement vers la perfection. Dans votre travail à la fin heure à atteindre, je ne doute pas que vous imploriez notre bonne Mère du Ciel: la Très Sainte Vierge Marie... Ayez envers cette Mère de Miséricorde toute la tendresse voulue; vous n'en ferez jamais assez... Soyez certaines qu'Elle veille sur vous d'une manière to particulière, puisque vous lui appartenez doublement pour vous être consacrées en plus à Marie Immaculée, Reine du Clergé,au jour de votre entrée soit au postulat, soit au noviciat, et surtout à la Profession que vous avez faites.

Je suppose bien que vous ne pouvez faire de grands jeûnes cela ne vous est pas possible avec votre travail; et cela ne vous est pas demandé; mais comme il nous faut faire pénitence, appliquez-vous à la pénitence ou mortification intérieure: celle du corps et celle de l'âme. Du coeur, en résistant à toutes passions mauvaises, et celle de l'âme, en surveillant votre mémoire et tout attache à ce qui ne doit pas être permis à une bonne religieuse.

Pardonnez-vous aussi facilement les unes les autres, et cela par amour de Jésus et de sa Sainte Mère...

Votre Révérende Mère Supérieure Générale va bien, à Dieu merci, et j'espère que le bon Dieu et la sainte Vierge Marie Immaculée vous la conserveront longtemps. Toutes vos consoeurs sont aussi bien, et toutes semblent heureuses dans leur sainte vocation. Priez cependant les unes pour les autres; c'est un des devoirs de charité qu'il nous faut accomplir, et que nous devrons continuer dans l'autre monde, en priant pour celles qui seront restées sur la terre.

Je vous souhaite donc à toutes bonne santé sous tous les rapports. Vous trouverez dans cette lettre des images. Deux pouf chacune d'entre vous. Ces images: l'une est la reproduction de l'image que Notre-Seigneur a laissé sur le Saint Suaire qui a servi à sa sépulture, et qui est conservé à Turin. Au moyen d'une loupe, une bonne religieuse Sr Imelda, dominicaine, a peint l'image. L'autre est la même image, mais la bonne Soeur lui a donné l'ex. pression d'un vivant. Il me semble que N: S. avait cette physionomie, et en regardant cette image, ou ces images, on doit sentir davantage jusqu'à quel point il nous a aimés. Je suis sûr que ces images vous seront agréables. J'en ai donné à chacune de vos compagnes à la Maison Mère.

Bonne santé et persévérance. Votre tout dévoué,

A. Bouillon, ptre


Le 18-12-32.

Mes Révérendes Soeurs,

Voilà que déjà les fêtes de Pâques sont passées!...

Je ne doute pas que vous soyez toutes ressuscitées avec votre divin " Epoux ". Qui dit résurrection, dit changement d'état; il faut donc que votre vie soit maintenant encore plus sainte, plus dévouée, plus agréable au bon Dieu... Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus disait: " Ma vocation, enfin, je l'ai trouvéel Ma vocation, c'est l'amour. Oui, j'ai trouvé ma place au sein de l'Eglise, et cette place, ô mon Dieu, c'est vous qui me l'avez donnée: dans le coeur de l'Eglise, ma mère, je serai l'amour. C'est le Maximum et primum mandatum: le grand précepte de la charité".

Oui, aimez-vous bien les unes les autres; pardonnez-vous les unes aux autres que dis-je, pardonnez-vous?... Avons-nous quelque chose à pardonner?... N'avons-nous pas plutôt sujet de nous réjouir, si tout nous contrarie, tous nous persécutent (du moins selon nous?...) Ne méritons-nous pas d'être mis au rang des plus viles créatures, après tout ce que nous avons fait souffrir au bon Dieu (je dis souffrir pour parler d'après notre nature; car Dieu, bonheur infini, ne souffre pas) oui, mes bonnes soeurs, si nous étions bien convaincus que l'on a déjà trop d'égards envers nous, tout ce qui semble nous blesser ne serait rien... Pratiquons donc, à l'exemple de la grande Sue Thérèse de l'Enfant-Jésus, le précepte de l'Amour, vivons de l'amour; et nous aimerons sûrement NotreSeigneur, si nous aimons nos frères... J'appuie, comme toujours, n'est-ce pas, sur la charité; car si nous n'avons la Charité, quand bien même nous aurions une foi vive, une espérance fervente, nous ne sommes rien; et vous mes bonnes Soeurs, vous n'êtes pas alors religieuses, je veux dire épouses de Jésus. C'est par la charité que vous ressemblerez au Christ Jésus, et c'est sur la charité que nous serons jugés... L'Evangile de ce jour nous le fait entendre, en nous citant le souhait exprimé par Notre-Seigneur, apparaissant à ses Apôtres: Que la paix soit avec vous. Les Anges l'avaient annoncée cette paix, à 1a Naissance de ce même Enfant-Dieu: " Sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté ". Que la paix régne donc toujours parmi vous!... Qu'elle soit votre nourriture, votre soutien. Si vous vivez de cette paix, tout ira bien: votre âme conservera sa dignité, et votre corps sa santé...

Voilà, mes bonnes Soeurs, ce que les fêtes de Pâques me suggèrent de vous annoncer; et dites-moi si ce n'est pas ce qu'il nous faut à tous. La charité est si précieuse aux yeux du bon Dieu, que le démon est sans cesse autour de nous cherchant à nous dévorer; mais comment? En nous faisant manquer à la charité. Soyez donc d'une grande prudence à ce propos; surveillez vos paroles et vos actes, surtout; puis votre coeur, n'y laisser entrer aucun sentiment contraire à l'amour du bon Dieu.

Je prie pour vous toutes à cette intention. Priez pour moi qui en ai peut-être plus besoin que tout autre...

A la Maison Mère, tout semble aller bien. La santé, en général, est bonne; et le travail de la perfection continue... c'est déjà quelque chose, n'est-ce pas... Le printemps s'annonce, mais recule un peu trop souvent; cependant, les semis dans les boites sont là et attendent la belle saison... vous aurez encore des carottes et des choux pour l'année prochaine, si le bon Dieu le veut. Votre Révérende Mère Générale doit vous parler de tout ce qui se passe de bien dans sa communauté; je n'ai pas alors à vous le redire... Les SS S. Edmond, S. Georges et de la Paix ont renouvelé leurs voeux samedi dernier.

Encore une fois, bonne santé à toutes, et cela tant de l'âme que du corps.

Votre tout dévoué en N.S.

A. Bouillon, ptre


Le 23-4-33.

Mes Révérendes Soeurs,

A l'occasion du nouvel an, je suis heureux de vous redire: Bonne, sainte et heureuse année, et le paradis à la fin de vos jours. Que le bon Dieu et la bonne Mère du ciel: Marie Immaculée, Reine du Clergé, vous bénissent et vous comblent de bonheur!

J'espère que vous êtes toutes heureuses et que vous priez bien fort dans l'attente de la nouvelle de Rome concernant la vie de votre communauté. Vous savez sans doute que Monseigneur a fait la demande à Rome du décret reconnaissant votre Pieuse Association en communauté religieuse: nous espérons et attendons cette bonne nouvelle. Comme Rome doit décider, et que nous ne savons jamais comment la Congrégation des religieux répondra à de telles demandes, nous avons le ciel à implorer afin que tout soit dans l'ordre des desseins de la divine Providence. Prions donc et ayons confiance.

Priez aussi pour moi, pour des intentions toutes spéciales, n'est-ce pas? Rien de neuf chez vos Soeurs de la Maison mère. Toutes sont bien, et semblent encouragées.

Bonne année donc, et que la sainte Charité règne toujours chez vous.

Votre tout dévoué,

A. Bouillon, Ptre


Le 25 déc. 1933.

Mes bonnes Soeurs,

Bonne et heureuse année 1936!... Je prie le bon Dieu de vous donner la grâce d'agir en tout pour sa gloire; c'est là que se trouve notre devoir: Faire la volonté du Bon Dieu, dans le temps et le lieu qu'il veut que nous travaillions. Peu importe que nos oeuvres ne soient pas appréciées en ce monde; c'est l'éternité bienheureuse qui compte; et le bon Dieu récompense ce que l'on fait pour lui. Les saints ne se sont pas sanctifiés autrement.

Bonne santé et je vous bénis toutes.

A. Bouillon, ptre.

Comme on le voit le fondateur fut discret dans sa correspondance avec ses religieuses. Si l'on ajoute à ses quelques lettres une vingtaine de billets; c'est là tout le patrimoine épistolaire de Monsieur Bouillon à ses filles spirituelles.

Au cours des années 1932-1943, il eut la douce joie de voir ses servantes à l'action dans quinze maisons au Canada et neuf aux Etats-Unis.

Lorsque l'une ou l'autre de ses religieuses, avant son départ pour la mission, lui rend visite, il est tout heureux, lui donne quelques conseils, la bénit et la confie à la très Sainte Vierge.

L'Eglise a choisi pour vous ce vocable de " Reine du Clergé >, qui renferme tous ses autres titres. Elle est la Mère de Notre-Seigneur, le Prêtre par excellence... qu'elle soit donc en tout et partout votre Guide, votre Modèle dans le chemin de la vertu et des devoirs que vous impose votre belle et sublime vocation.


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