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Sur la route montante ~ partie 2

LES PÈRES DU SAINT ESPRIT

En 1940, la direction spirituelle des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé fut confiée aux Révérends Pères du Saint-Esprit du Collège Saint-Alexandre, de Limbour, Qué.

Evêché de Rimouski, le 20 mars 1940

Cher Monsieur le Curé,

Monsieur le chanoine Perron m'a manifesté son désir de prendre complètement sa retraite. J'ai retenu les services d'un religieux de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit. Leur supérieur m'avait justement demandé la faveur d'admettre l'entrée de ses religieux dans le diocèse pour y instituer le noviciat de leur quasi-province canadienne. J'ai donc prié le Supérieur de dépêcher un Père qui prendrait la charge de l'aumônerie des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé. En attendant que la fondation se fasse, le Père résidera chez vos Soeurs, qui voudront bien l'héberger et lui donner annuellement le salaire d'un vicaire du diocèse soit deux cents piastres.

Je suis certain que vous vous réjouirez de l'avantage que la Providence apporte à cette communauté que vous avez fondée et sur laquelle vous avez veillée avec tant de paternité. Quand le noviciat sera institué, le R.P. Aumônier résidera dans sa communauté. De nouveaux arrangements devront se conclure alors entre les deux communautés, qui s'échangeront des services d'ordre spirituel et d'ordre temporel, à l'avantage de l'une et l'autre.

Je remets à saint Joseph la protection de la communauté des SS. de N.D. Reine du Clergé et la protection de la communauté des Spiritains qui va installer dans votre paroisse son noviciat. Mon désir est qu'ils puissent trouver un terrain convenable pour l'érection de leur maison sans être exploités par le vendeur. Car des missionnaires, n'ont pas les moyens d'être exploités.

Par la même occasion je serais bien aise d'apprendre que les SS. de N.D., Reine du Clergé auront acquis assez de terrain pour pouvoir y loger plus tard leur maison-mère et y avoir potager, cour et dépendances suffisantes. Je leur souhaite de ne pas se jeter dans les embarras d'une ferme qu'il leur faudrait faire vivre à leurs ressources. Faites-moi donc le plaisir de communiquer à vos Soeurs 1- la teneur de la lettre par laquelle le R.P. porteur est chargé par l'Ordinaire de la fonction d'aumônier de leur communauté, avec juridiction dans le diocèse; 2- de la substance ou de la copie de la présente lettre que vous pourriez faire connaitre à la Mère Supérieure.

je prie Dieu de vous bénir et de bénir vos relations avec la vénérable communauté des Spiritains. Votre fondation aura certainement contribué à me faire jeter les yeux sur le Lac-au-Saumon pour leur trouver un lieu de fondation de leur noviciat à proximité de votre communauté. Ainsi ce foyer religieux favorisera la ferveur de la vie spirituelle de vos Soeurs Servantes. Et, c'est mon espoir que, certaines de trouver toujours de ce côté un appui et des lumières, elles éprouveront le désir de se fixer définitivement au lieu même où la Providence les a fait recevoir leur fondation. Je crois exprimer la volonté de Dieu en parlant ainsi. N'ayant pas la prétention d'avoir de lumières spéciales je dois me contenter de laisser les événements providentiels me montrer la volonté du Souverain Maître. Et je prie les Sceurs Servantes de conformer aussi leur volonté et leurs desseins à ces humbles indications de leur évêque.

Je suppose bien que vous bénéficierez du voisinage amical de ce jeune religieux en pleine force d'âge. Il pourrait aider, à ses heures de répit, à l'organisation de sections de mouvements spécialisés d'Action catholique au sein de votre jeunesse scolaire, d'abord.

Votre tout dévoué en N.S.
Georges év. de Rimouski

M. l'abbé Alex. Bouillon
Curé de S. Edmond du Lac-au-Saumon.

Le Révérend Père joseph Mamie, C.S.Sp., arriva le 20 mars 1940. A la fin de 1941 lorsque s'ouvre le noviciat spin. n, il devient le Premier Maître. Le Révérend Père Eugène Andlauer lui succède comme aumônier de 1941 jusqu'en 50. Puis viennent les Révérends Pères Alexis Riaud, Geors Hugel, Yvon Moranville, Emile Blais, joseph Laliberté Elzéar Lafontaine.

La collaboration des Pères du Saint-Esprit demeure gravée dans l'histoire de la Congrégation comme un gage prospérité et de survivance.

Pour conclure cette partie historique nous ne trouvons rien de plus authentique que ces souvenirs du R. Père Joseph Roy, C.S.Sp., successeur de M. le Curé Bouillon à la Cure de Lac-au-Saumon.

C'est en 1941 que je fis connaissance de M. le Curé Bouillon, alors que je fus envoyé au Lac, en tant qu'économe de notre viceprovince spiritaine, pour surveiller la construction de notre Noviciat dans la localité à quelques vingt arpents du presbytère. Il m'accueillit chaleureusement, tout heureux de voir s'installer une petite institution dans son cher village si éprouvé par le départ des moulins à scie, mais aux résidents duquel il promettait des " choses à venir ".

Il m'offrit une hospitalité gracieuse dans son vaste presbytère, où j'eus pendant quelques mois mes entrées libres. Nous avions de longs entretiens, ou plutôt, j'étais souvent son auditeur attentif. C'était plaisir de l'entendre raconter ses premières expériences comme vicaire à différents endroits du diocèse, et surtout, narrer les débuts quasi héroïques de la jeune paroisse de St-Edmond du Lac-au-Saumon. Ses randonnées de ministère au Rang trois où se trouvait l'Ecole Chapelle; les tractations particulièrement difficiles lorsque vint le moment de choisir un site pour l'érection de l'église paroissiale; toute la souplesse et la patience qu'il fallut déployer pour éviter la division (certain schisme) parmi les gens qui se croyaient frustrés: toute la sainte diplomatie qu'il fallut monter pour maintenir l'union entre paroissiens canadiens et acadiens; tout le zèle qu'il fallut apporter pour bien asseoir les ceuvres paroissiales.

Vers la mi-mai 1943, je fus envoyé au Lac comme vicaire par Monseigneur Courchesne, lequel ne mettait pas tout le monde au courant de ses décisions (parfois, pas les curés), et ne dévoilait pas toujours ses desseins pour l'avenir. Je fus alors accueilli avec une certaine surprise, comme un être assez mystérieux, dont on ne s'explique pas très bien la présence. Mais, une lettre de nomination finit par arriver qui mit fin au mystère. Et les choses allèrent bien par la suite: le vicaire d'alors fut nommé ailleurs et nous finies bon ménage...

UNE DÉCENNIE

" Célébrez vos fêtes et rendez-lui grâce " (Lv 23, 41). Dix ans se sont écoulés depuis la première réunion. Si un dixième anniversaire n'a pas l'importance d'un cinquantenaire, nous ne saurions passer sous silence celui du 8 décembre 1939, jour de la fête de l'Immaculée-Conception.

Dans toutes les missions de l'Institut, il y a messe d'action de grâces, rénovation des voeux et chant du Te Deum. Le soir, au Cénacle, une séance toute mariale réunit les membres de la communauté ou dans une saynète appropriée l'on fit ressortir la dévotion à " Marie Reine du Clergé ". La statue de la Madone, élevée sur un trône, préside nette fête.

Le Vénéré fondateur, alors présent, rayonnait de bonheur. Depuis longtemps la dévotion à la Vierge Marie, sous ce vocable, était chère à sa grande et belle âme sacerdotale.

La Communauté pressentait-elle que M. le Curé Bouillon serait rendu dans l'éternelle Cité à la célébration du vingt-cinquième? Peut-être. Mais il n'en reste pas moins vrai que ses filles spirituelles tinrent à célébrer cet anniversaire avec simplicité et filiale tendresse à l'endroit de ses fondateurs.

Père, votre famille heureuse
Que le ciel comble de faveurs
En ce jour de fête joyeuse,
Vous offre ses voeux les meilleurs.

Notre confiance sincère
Trouve un accent inspirateur
Dans votre nom, dévoué Père,
Très sage et zélé Fondateur.

Votre doctrine est notre oracle!
Aussi nos coeurs reconnaissants,
La gardent dans notre "Cénacle"
Au-delà du temps et des ans.


Hommage de filiale gratitude

Vénéré Père Fondateur,

Vénérée Mère Fondatrice.

Vos filles, à cette heure du ciel, chantent leurs mercis à Dieu, à la Reine du Clergé, puis, viennent redire à vous deux, leur affectueuse reconnaissance, leur religieuse soumission, et leur filiale confiance.

Cette décade qui se parcourt en un rapide souvenir, quel sillon glorieux tracé par votre dévouement inlassable, votre générosité héroïques, où le grain que vous avez semé au prix de tout ce qu'il y avait de plus grand, de plus précieux dans vos nobles vies, a levé et s'étend sous le regard de la providence du Seigneur, qui console vos saintes âmes par la prospérité et le progrès de votre oeuvre pour Sa gloire.

Nous vous offrons donc, Vénéré Père Fondateur et Vénérée Mère Fondatrice, nos mercis, nos actions de grâces, et nos désirs d'être toujours vos dignes filles.

Nous offrons nos affectueux mercis, également à Soeur M. de Ste-Anne qui a généreusement collaboré avec vous pour le soutien de l'oeuvre à ses débuts. En esprit nous nous reportons auprès de Sr M. de St-Edmond qui, elle aussi a vécu les premières heures de notre fondation et a contribué de tout son pouvoir au succès de l'entreprise de la Reine du Clergé.

Elles restent, ces chères soeurs, les deux cofondatrices dont les noms seront bénis à jamais, avec ceux de notre Vénéré Père Fondateur et de notre Vénérée Mère, par toutes les générations futures des Soeurs Servantes de la Reine du Clergé.

Permettez qu'en ce moment heureux, nos âmes reconnaissantes fassent mémoire respectueuse et forment des voeux pour Son Excellence Monseigneur Courchesne, Evêque de Rimouski, notre cher Evéque, qui a daigné en fin de cause, approuver vos démarches et vos plans pour la formation et l'établissement de son Institut, qui en a donné l'approbation canonique avec sa bénédiction paternelle à la grande consolation de vos coeurs, Vénéré Père et Vénérée Mère.

Notre pensée se reporte, en bénissant Dieu, à la mémoire du saint Prêtre, M. l'Abbé Ph. Canuel, dont le ministère fut si précieux à notre maison dès les premiers temps, et dont les vertus sacerdotales ont embaumé d'édification admirable les espaces q'il a habités avec nous. Du haut du ciel, il nous a protégées avec affection, et il continuera d'aimer avec nous la Reine du Clergé et de nous le prouver toujours.

Il revit pour nous, et parmi nous, dans la personne du Vénéré Monsieur le Chanoine Perron, à qui nous offrons avec bonheur les expressions les plus sincères de notre cordiale reconnaissance.

Votre séjour parmi nous, Monsieur le Chanoine, nous rend vos débitrices à tout jamais; avec notre Père Fondateur, vous personnifiez pour nous le Sacerdoce Vénérable à qui la Providence veut que nous vouions notre vie et nos forces. Quel honneur, c'est, pour nos pauvres services, de pouvoir se donner aux amis de Dieu, qui procurent en tout sa plus grande gloire.

Vénéré Père Fondateur, daignez avoir pour agréable, cette commémoration que nous faisons de l'époque, l0ième anniversaire de vos labeurs couronnés si admirablement par la situation prospère de notre Institut.

Et vous chère Vénérée Mère Fondatrice, réjouissez-vous; à votre suite, voyez dix-huit de vos enfants qui ne pourront plus se détacher de votre famille religieuse, liées qu'elles sont avec vous par la profession perpétuelle; trente autres se préparent par leur fidélité à marcher sur les traces de leurs devancières; et, comme des petites colombes aux ailes blanches, les novices essayent leurs forces et s'aguerrissent dans la paix du noviciat de notre Cénacle.

En vous remerciant de toutes ces joies, nous osons vous prier d'accepter l'hommage de nos pieuses offrandes symboliques, en même temps que ces feuillets souvenirs, auxquels nous vous prions, Vénéré Père Fondateur et Vénérée Mère Fondatrice d'apposer votre signature, afin qu'ils restent pour vos filles un mémorial de vos bontés et de vos enseignements.

Pour clore cette fête chère, nous supplions la Reine du Clergé de nous sourire du haut de son trône céleste; nous osons la prier, de soulever un coin du sombre azur, au-delà duquel elle tient sa brillante demeure, pour nous faire voir un peu comment elle aime son clergé du monde entier, et comment elle nous aime aussi, ses filles choisies.

8 décembre 1939.

Visiblement ému, le fondateur remercie paternellement de cette commémoration qui lui fut très agréable.

Le Magnificat et la bénédiction du Père Fondateur terminent ce jour mémorable.

Des voix amies se sont unies à la jeune communauté pour offrir à M. le Curé Bouillon leurs félicitations. Une réponse à l'une de ces lettres, le 10 décembre 1929, nous le démontre:

Lac-au-Saumon

La Révérende Mère Supérieure Générale des
Soeurs de N: D. du S. Rosaire Rimouski

Révérende Mère Supérieure,

J'ai bien reçu votre lettre du 5 de ce mois et je vous remercie des paroles encourageantes que vous m'y adressez.

L'Oeuvre des SS. de N. D. du Clergé est vraiment voulue du bon Dieu, et c'est Lui qui a tout fait. A lui toute notre reconnaissance.

Le titre de Notre-Dame du Clergé ne peut pas manquer d'attirer sur notre jeune communauté les regards bienveillants de la Très Sainte Vierge, notre Mère à tous, n'est-ce pas; car cest Elle qui en 1903, dans une apparition à Soeur Marie-Eugène, en France, dicta ce vocable sous lequel Elle voulait être honorée, Elle alla même jusqu'à donner les détails d'une statue qui devait être faite et d'une médaille pour les prêtres et les laïques, etc.

Si vous désirez plus de détails, à ce propos, vous pourriez vous adresser aux bonnes religieuses de N.-D. du Clergé, qui doivent avoir toutes ces belles choses dans des livrets. Vous voyez que nous sommes entre bonnes mains!...

Mes respects aux Révérendes Soeurs, et prions les uns pour les autres.

Votre dévoué en N.D, et M.LR. du C.
A. Bouillon, ptre

JOIES PASTORALES

" Un jour passé dans ta maison en vaut pour moi plus que mille " (Ps 83, 11).

Au nombre des mystères glorieux du Curé-fondateur d'une paroisse, ne peut-on pas compter le bonheur et la joie de voir monter à l'autel, des enfants qu'il a baptisés, catéchisés, encouragés dans leur ascension vers le Sacerdoce?

M. le Curé Bouillon eut cette sainte joie! Sous son pastorat quatre fils de braves familles de Lac-au-Saumon gravirent les degrés de la prêtrise.

Ce sont Messieurs les abbés René Turbide, fils de Télesphore et d'Apolline Thériault, ordonné prêtre le 29 juin 1938: Aubin Fougères, fils de Samuel et de Lydia Richard, ordonné prêtre le 18 mai 1940; les révérends Pères François Bérubé, O.M.L, fils de Tancrède et d'Angéline Hallé, ordonné le 30 mai 1942; Eustache Deschênes, O.M.I, fils d'Ernest Deschênes et de Marie Luce Dumas, ordonné le 30 mai 1942; l'Abbé Henri Landry, P.M.E., fils d'Alphonse Landry et de Lucienne Langlois, ordonné le 27 juin 1943.

Sur les pas de leurs devanciers d'autres vocations germent et croissent. Les unes au Séminaire se préparent par l'étude et la prière à marcher à la suite de leurs confrères cinés. D'autres se dirigent chez les religieux tels les Frères Dominicains et du Sacré-Coeur.

A leur tour, un bon nombre de jeunes filles, entendant l'appel divin, se sont réparties dans diverses Congrégations de religieuses.

Soulignons que dix de ces appelées, dont Soeur Yvonne Saint-Laurent, cofondatrice, font partie de la Communauté des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé.

Ainsi se lève comme en une riche moisson, cette semence jetée dans le sillon par le Divin Semeur, que sut faire fructifier et rendre cent pour un, le zèle pastoral du Curé de campagne, que fut l'âme d'apôtre, de Monsieur Bouillon.

Cette lettre n'apporte-t-elle pas une preuve à l'appui?

Ma soeur,

Si j'ai retardé à vous répondre, ce n'est pas par indifférence au sujet proposé, c'est que je me sens incapable de mettre par écrit toute la reconnaissance qui est dans mon coeur pour le bon Monsieur le Curé Bouillon. En effet, si je suis prêtre, je le dois un peu à son aide financière et beaucoup à ses précieux conseils. Lorsque j'étais au noviciat des dominicains à St-Hyacinthe, il a même fait un voyage pour relever mon moral qui était à la baisse et il m'a dirigé vers le clergé séculier ou je me sens bien à ma place.

S'il est un trait particulier dans la vie de ce bon curé, c'est son amour et son respect pour le prêtre. Un prêtre sonnaitil à sa porte, il laissait tout son ouvrage pour recevoir cet homme envoyé de Dieu et ministre du Seigneur; il le recevait avec joie et faisait tout pour le mettre à l'aise. C'est de son même amour pour le prêtre que lui est venu l'idée de fonder votre communauté. Il a encore aidé beaucoup de jeunes qui croyaient avoir une vocation sacerdotale.

Pour sensibiliser ses paroissiens aux grandeurs du sacerdoce, il a organisé la célébration de mon ordination sacerdotale dans ma paroisse et cela a porté quelque fruit.

Il savait aussi s'intéresser au bien-être de ses paroissiens, même si cela ne paraissait pas toujours; il a prêté de l'argent à bien des gens, et ce, même sans intérêt. Il s'intéressait beaucoup à l'éducation des enfants, même à leurs loisirs.

Permettez-moi de vous féliciter pour votre idée de mieux faire connaître aux générations montantes le travail de ceux qui se donnaient à Dieu - sans contestation - Que Dieu bénisse votre travail!

Bien vôtre en Notre-Seigneur
René Turbide, ptre, curé

Paroisse Ste-Bernadette-Soubirous
Mont-joli, le 27 février 1969

DERNIÈRES OEUVRES

" Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis " (Jn 15, 13) .

Monsieur le Curé Bouillon, témoin du Christ, n'est pas n étranger pour ses paroissiens. Comme il connaît par son om Celui dont il témoigne, il connaît aussi par leur nom eux que le Seigneur lui a confiés. Il aime d'un même amour son Maître et les brebis dont celui-ci lui a donné la garde.

Il sait comprendre et vivre les problèmes de ceux qui approchent. Rien d'humain ne le laisse indifférent. Pour lui, c'est un ministère, un service.

Dans la poursuite de notre récit, de 1938 à 1943, trois établissements religieux surgissent en cette paroisse.

En 1938, c'est la construction d'une Académie pour les garçons que M. le Curé Bouillon bénit le 5 septembre 1939. Les Révérends Frères du Sacré-Coeur en prennent la direction en 1943.

L'année 1940 rappelle l'arrivée des Pères du Saint-Esprit, lesquels bâtissent leur noviciat en 1941. Leur présence dans le milieu paroissial crée de nouvelles activités.

Le troisième édifice est la construction de la maison-mère des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé.

Ne peut-on pas dire que l'exécution de ce projet fut le parachèvement des oeuvres matérielles de Monsieur Bouillon, à Lac-au-Saumon?

Mais pour construire, il faut un emplacement. Sur une colline surplombant l'Oratoire Saint-Joseph se situe un terrain propice à cette fin. Terrain idéal, isolé mais proche de tout: église, couvent, gare... A n'en pas douter le fondateur y pense et dès son arrivée au Lac, la fondatrice a fait son choix si la communauté demeure au lieu qui l'a vu naître. Impossible d'y songer: cette terre n'est pas à vendre.

Les fondateurs, respectueux du désir et des volontés de leur évêque de se fixer définitivement à Lac-au-Saumon, recourent à Saint-joseph, lui promettant que si leurs prières sont exaucées, le dit terrain porterait le nom de " Terre Saint-Joseph " . Leur confiance ne fut pas déçue.

Un jour, M. Valentin Dubé, propriétaire, décide d'aliéner ce domaine. La nouvelle parvient à M. le Curé Bouillon. Tout heureux il transmet le message à la fondatrice en lui disant: " Voyez-y, j'espère que vous l'aurez à un prix convenable ".

Le 14 juin 1940, par un contrat, l'Institut devient acquéreur du dit terrain pour la somme de $7,000 dollars, dont $3,000 comptant.

Pour plus de précision sur les circonstances accompagnant cette construction, allons à nouveau puiser dans les manuscrits de la fondatrice.

1940 - Depuis l'achat de la terre, le 14 juin, S.E. Mgr Courchesne, notre Père fondateur et les autorités gouvernementales et paroissiales s'unissent pour hâter la construction projetée. Monseigneur, en choisissant l'entrepreneur qui sera M. Georges Dubé; notre Père, l'architecte, M. Joseph Marchand, de Québec. Le Ministre du Bien-Etre, d'après les demandes renouvelées de notre Père, demandes de 1931, aujourd'hui secondées par les autorités sont approuvées. Faut donc marcher. Allons-y bravement...

1941 - Les plans et devis de la construction en marche avancent, parait-il, tant mieux! Et S.G. Mgr Courchesne noua a informés que l'Evêché, par son G.V. Mgr D'Amours, nous prêterait tout l'argent nécessaire $200,000.00 à $250.000.00 dollars. Notre Père et nous en remercions le bon Dieu.

Le 26 mai 1941 les premières pelletées de terre sont enlevées par M. l'Abbé Alexandre Bouillon, fondateur et par la Révérende Mère Marie de S.-Joseph-de-l'Eucharistie, fondatrice et première supérieure de l'Institut.

A la fin de mai, le déblaiement du terrain débute avec les difficultés... Les plans et devis sont subitement modifiés sans consultation. La fondatrice s'oppose:

Pardon, Monseigneur, dira-t-elle, malgré le respect et la soumission que je vous dois, en conscience, je ne puis, et je n'accepterai jamais ce plan, nous ne bâtissons pas pour un jour mais pour les générations à venir; nous ne bâtissons pas en papier, mais en solides matériaux et à l'épreuve du feu.

Le manque de ressources financières crée de sérieux et graves problèmes. Des promesses de prêts ont été faites, mais au moment où l'on compte sur ces emprunts, une lettre de l'Ordinaire fait connaître que " l'évêché ne peut plus fournir l'argent nécessaire, que M. le Vicaire Général l'a prêté à une autre institution... Veuillez trouver à emprunter sur billets.

Mon Dieu, emprunter sur billets nous qui devions mourrir de faim et qui sommes loin d'être mortes, puisque nous sommes en train de construire un vrai couvent simple, mais solide. Mais où trouver l'argent?... O Saint Joseph, voyez-y. Il y a vu, mais pas selon ce qu'espérait Monseigneur.

Les prêtres dont je connaissais les moyens, furent les premiers à refuser objectant leur pauvreté. Ce fut là ma plus grosse épreuve... surtout lorsque quelques semaines après je lus sur un journal: R.M. le Curé X a prêté $15.000.00 aux bons de la Victoire. Un autre $12,000.00. Le 3ième, je l'ai approuvé, $10,000.00 en fonds perdus aux Pères blancs d'Afrique. Et ainsi de suite.

Seuls quelques prêtres, étrangers au diocèse de Rimouski, se risquaient à prêter quelque mille dollars. Puis la Fabrique et les gens du Lac-au-Saumon se montrèrent d'un dévouement sans borne. Aussi nous leur en gardons une impérissable reconnaissance.

Son Excellence fut très surpris, et aussi très heureux de la grande générosité des gens de la paroisse que jusqu'ici il n'avait jugée: "que de quêteux".

Ces chocs supportés vaillamment par la fondatrice n'étaient pas sans résonnance dans l'âme du fondateur, qui désirait depuis longtemps donner un habitat convenable à ses religieuses.

Le refus d'argent par l'Evêché, par ses vénérés confrères dans le sacerdoce, dut lui être aussi pénible qu'un coup de javelot en plein coeur. Mais sa force d'âme, son énergique volonté, sa remise totale entre les mains du Tout-Puissant, lui méritèrent ainsi qu'à son Institut des grâces de force et de générosité.

Lisons encore quelques extraits des difficultés que renntrèrent les fondateurs dans le cheminement de cette entreprise. Si la fondatrice en assumait sa large part parce u'elle était supérieure de l'Institut, M. Bouillon, le fondateur, n'était pas indifférent. Naturellement, les souffrances de l'un étaient épousées par l'autre.

...Enfin avec juillet nos travailleurs préparent le plancher du soubassement et creusent l'aile pour la chapelle sans trop de misère, quand le 10 juillet au matin un message arrive de Rimouski: " Arrêtez travaux de la chapelle. Signé: Evêché de Rimouski.

Trop malade pour me rendre sur le chantier je fis porter le message cacheté à M. Eliud Pelletier, contre-maître, lequel, après quelques minutes, m'arriva, aussi désolé que nous, me disant: " Je vais téléphoner à M. Dubé, qu'il y voie; la fondation de cette aile est déjà trop avancée pour l'arrêter. - Peut-être, cher Monsieur, mais il faut obéir, c'est notre Supérieur qui commande, faites arrêter vos hommes. Nous, nous prierons, mais obéissons. "

Il partit. fit arrêter le travail, en reféra à M. Dubé, qui sans doute vit Son Excellence et s'entendit avec lui... mais les jours passent... pas de réponse et nous, malgré tout, confiantes, nous prions.

Enfin, le 30 juillet au soir, nous arrive: Son Excellence accompagné de Mgr D'Amours, V.G. et de M. Georges Dubé, entrepreneur, pour décider le "sort" de la chapelle.

Chacun y mit son mot. Le plus acharné à dire " non" fut M. le Grand Vicaire. M. Dubé y tenait - Son Excellence désirait bien dire " oui " mais n'osait pas. Enfin je me risquai à poser une question:

- Pour quelle raison ne voulez-vous pas de chapelle?

- Pour raison d'argent, répliqua Mgr D'Amours.

- C'est vrai Mgr, mais le bon Dieu peut nous en faire trouver.

- Oui, mais en attendant, vous n'en avez pas.

Nous fîmes un compromis: enlever le 4e étage et continuer la chapelle. La bâtisse ayant 240 pieds - La chapelle 100 pieds - soubassement, rez-de-chaussée, puis l'étage double de la chapelle avec jubé, était encore préférable. Alors tous optèrent et la chapelle fut sauvée. Son Excellence toujours bon et peiné de ces contredits demanda à M. Dubé d'arranger les choses pour qu'un jour si nous avions besoin de l'étage sacrifié aujourd'hui, nous puissions le remettre sans misère.

Puis, Monseigneur me bénit et dit: " Que de misères nous vous donnons. Je prie pour vous. " Sa prière fut en partie exaucée - car la chapelle, d'après l'ordre donné par Mgr le V.G. fut raccourcie de 30 pds et cela, sans nous en donner avis et malgré les désirs de notre cher évêque.

31 juillet 1941 - Nous aurons notre chapelle - Deo gratias! Oui, nous l'aurons, mais au prix de quels sacrifices? Sacrifier le beau plan de la maison, partie des soeurs, et le refaire. Comment y arriver?... Modifier. Oui, modifier: descendre cuisine et réfectoire dans le soubassement à la place de la buanderie et de la boulangerie projetées, etc. Et la façade, la belle façade, descendre niche, croix, etc... Quel chambardement, quel sacrifice! Et pourtant c'est vous, mon Dieu, c'est vous qui le permettez, nous n'avons qu'à nous soumettre! C'est dur quand même, vous en convenez Vous-même. Heureusement que nous aurons notre chapelle, et vous au Tabernacle pour recevoir nos plaintes car Vous en recevrez.

Le 12 octobre 1941 - Dimanche froid et sombre, prélude d'un futur hiver. S.E. Mgr Courchesne vient bénir la pierre angulaire de la maison mère.

Le Révérend Père joseph Mamie, C.S.Sp., donne l'homélie. Il choisit pour thème: " Si Dieu lui-même ne construit la maison, en vain travaillent les bâtisseurs. " De là, découle la nécessité de mettre à la base de toute oeuvre: Dieu lui-même.

Monseigneur G. Courchesne félicita les fondateurs d'avoir conduit à bonne fin cette difficile entreprise, réclamant beaucoup de foi et de courage. " Dieu, dit-il, rend possible tout ce qu'il nous demande. "

Plusieurs membres du clergé assistèrent à la cérémonie de même qu'une nombreuse assistance parmi laquelle s'inséraient les bienfaiteurs et amis de la paroisse.

Enfin après des péripéties, à l'automne 1942 la maison peut recevoir le personnel du Cénacle. Dès les premiers jours de novembre l'on se met à l'oeuvre. La fondatrice écrit:

Tout marcha si bien que malgré mon absence, le Conseil, appuyé par l'autorité de notre Père fondateur, aidé de la bonne volonté de toutes les sceurs: professes, novices et postulantes firent une si grande diligence que le 21 novembre, fête de la Présentation de la sainte Vierge, notre Père Fondateur eut l'insigne bonheur de célébrer la première messe dans notre humble chapelle, nouveau Nazareth.

La célébration eut lieu à 8h 30. M. le Curé Bouillon était assisté du R. Père Eugène Andlauer, C.S.Sp., aumônier de la communauté et de M. l'Abbé Jean-Paul Bélanger, vicaire à la paroisse.

Combien grande, en cette circonstance, fut la joie du fondateur! Des larmes silencieuses la traduisirent et si ce n'eût été l'absence de la R. Mère M. de Saint-Joseph-del'Eucharistie, Supérieure et fondatrice, cette joie aurait été complète.

Le fondateur ressentit profondément ce vide. Elle qui partagea avec lui douleurs et peines, il eût aimé que sa fidèle et dévouée collaboratrice fut présente au chant d'action de grâces de ce jour béni, mais le devoir retenait la bonne Mère auprès de ses filles missionnaires aux Etats-Unis.

Le Père avait-il le pressentiment que cette joie fut l'une de ses dernières au milieu de sa communauté? Bientôt, nous le verrons.

1942 se termina dans la joie de notre grand Cénacle, mais pas dans la fin des travaux. Hélas que de choses à faire! Espérons qu'avec le temps et la bonne volonté de chacun et de chacune nous en viendrons à bout.

En attendant, remercions le bon Dieu de l'aide visible qu'il nous a toujours donné: car malgré tous les prophètes de malheur, les capitaux sont arrivés à temps pour empêcher le fiasco prophétisé dès les premiers jours. Et encore aujourd'hui, en repassant les événements je ne puis que redire: Mon Dieu que vous avez été bon pour vos pauvres servantes! Vous avez tout fait. Soyez béni et à jamais remercié de votre divine bonté.

OUVERTURE DE L'HOSPICE

Au début de la fondation des Servantes de Notre-Dame du Clergé, nous avons vu que M. le Curé Bouillon désirait que ses religieuses, en plus du service des prêtres dans les presbytères et autres maisons religieuses, répondent aux exigences des besoins immédiats de la région: soin des malades et orphelins. Les circonstances ne permirent pas cette réalisation.

Mais en 1942, avec la construction de la maison-mère, une aile fut désignée pour recevoir les personnes âgées. C'est le 8 mars 1943 par l'entrée de Mme Stanislas Richard de Sainte-Florence, que débuta l'Hospice. Cette même année, 24 pensionnaires furent accueillies. Dans les années suivantes, des prêtres, malades ou âgés, sont hébergés sous ce toit hospitalier.

Avec les mutations de l'époque, en 1964, une nouvelle construction aux dimensions semblables à la première, reliée à la maison-mère comprend deux parties: l'une pour le Foyer, (nom substitué à celui d'Hospice); l'autre pour une Ecole d'Arts Familiaux.

En 1972, ce Foyer accueille une centaine de pension. naires. Quant à l'Ecole, ouverte dans un autre local en 1962, transférée dans ce nouveau domicile en 1965, avec l'évolution dans l'Education depuis quelques années, cette maison ne reçoit plus d'élèves pensionnaires, mais se prête à divers cours.

De son vivant, le Fondateur ne vit qu'une faible partie de l'accomplissement de ses projets. De là-haut il doit se réjouir de ce que le Seigneur regardant sa pauvreté, en fit l'instrument de ses vouloirs divins. Par Lui, avec Lui et Notre-Dame, il accomplit de grandes et nobles oeuvres.

LUMIÈRE SUR UN ÉVÉNEMENT

Qui, au cours de son cheminement vers l'au-delà, n'a pas eu à se mesurer avec la faiblesse de notre origine? Qui n'a pas regretté une initiative, ou entravé quelque projet? Tous, un jour ou l'autre, nous avons eu à déplorer, parfois amèrement, une défaillance en ce domaine de la grande vertu de charité. Heureux quand ce Dieu-Amour se penche sur notre âme pour nous la faire reconnaître et regretter.

Les faits suivants nous permettent de faire la lumière sur certaines personnes dont la manière d'agir nous a peinées.

Ils n'ont pas été relatés par Monsieur Bouillon, alors décédé, mais par la fondatrice.

Une double surprise - Le 6 juin 1947, plus de 6 ans apres ces événements, je me rendis à Rimouski pour affaire avec Monseigneur le Vicaire général. J'eus la douleur de rencontrer Monseigneur, très malade, à l'Hôpital, où je n'espérais pas avoir la chance de lui parler, la consigne étant très sévère. Cette interdiction fut levée pour moi. Dès que je l'eus salué. Monseigneur me dit: " C'est le bon Dieu qui vous envoie. J'ai un gros secret à vous révéler: c'est moi qui ai forcé M. Dubé à briser le plan de votre chapelle, c'est lui qui a reçu tous les reproches, moi seul en suis responsable?... Je ne voulais pas mourir sans vous avoir fait cet aveu. Ahl si j'avais été faire la visite des comptes avant! Après avoir vu et compris la manière dont vous les teniez, nous n'avions rien à craindre. Alors j'ai regretté toutes les misères que je vous ai faites... Me pardonnerez-vous?" Et de grosses larmes baignaient ses yeux mourants.

Monseigneur vous savez que rien n'arrive sans la permission du bon Dieu et pour notre plus grand bien. Nous le verrons dans l'avenir - même si aujourd'hui la chose semble nous faire tort. Oui, Mgr je vous pardonne et de grand coeur. II me bénit et me dit: " Je prierai pour vous ".

Au moment où nous revivons cet épisode révélant la noblesse d'une âme prête à paraître devant Dieu, il nous vient en mémoire cette pensée de F. Varillon: " Dans le même temps qu'elle est aperçue et avouée, mon indigence est comblée: l'humilité de la créature aspire la Vie de Dieu."

Et continuant sa relation, la fondatrice écrit:

Puis quelle leçon de discrétion nous donna M. Dubé... jamais un mot d'excuse à tous nos reproches: souvent amers ou durs à digérer. II lui eût été si facile de répondre: ce sont nos Seigneurs qui me l'ont ordonné.

Quand quelques mois après, j'en parlai à S. Exc. Mgr Courchesne il me répondit: Comme je suis heureux que Mgr D'Amours vous en ait parlé, comme j'ai souffert de tous ces tracas qui brisaient vos constructions.

Ne pourrions-nous dire avec le prophète:

La route du juste est droite, tu aplanis le droit chemin du juste. Oui, dans le chemin de tes jugements nous t'espérions, Yahvé: lorsque tes jugements paraissent sur terre, les habitants de l'univers apprennent la justice (Is 7-9).

 


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