Diocèse de Rimouski ~ Sanctuaire Sainte-Anne

           


                              

                                                                                                   

 

SAINTE-ANNE-DE-LA-POINTE-AU-PÈRE *

On y reçoit des pèlerins depuis le 19e siècle. C'est, en effet, le 26 juillet 1874, que Mgr Jean Langevin, premier évêque Rimouski, y bénit solennellement une première chapelle et y préside l'exposition et la vénération d'une relique de sainte Anne qu'il a apportée de Rome. Quelques jours plus tard, il en annonce la nouvelle à ses diocésains, en précisant que cette chapelle deviendra "un lieu de pèlerinage pour une grande partie de [son] diocèse " et particulièrement pour les navigateurs et les voyageurs des transatlantiques qui s'y arrêtent " pour y prendre ou déposer leur pilote ". " Combien d'entre eux n'éprouveront-ils pas le besoin d'entrer dans cette modeste chapelle pour prier, pour louer cette puissante protectrice ", conclut-il.

LES PREMIERS PÈLERINAGES

La Pointe-au-Père, ainsi appelée en l'honneur du père Henri Nouvel qui y aurait accosté en 1663, fait alors partie de la paroisse de Saint-Germain-de-Rimouski, dont les prêtres auront la charge de la chapelle et du pèlerinage. Dès le départ, assure l'évêque en 1876, on y accourt " chaque semaine de tous côtés pour invoquer cette grande Sainte " et on y signale des faveurs " dans l'ordre temporel aussi bien que dans l'ordre spirituel ".Lui-même s’en fait le propagandiste, par exemple en y faisant chanter, en 1875, une messe en l’honneur de sainte Anne pour obtenir, annonce-t-il à tout le diocèse, " que nos paroisses soient préservées du fléau de la picote ou petite vérole " qui sévit ailleurs au Québec. De plus, il commande dans toutes les paroisses du diocèse (qui comprend à l'époque l'actuel diocèse de Gaspé et la Côte Nord), deux quêtes annuelles pour l'achèvement et l'embellissement du sanctuaire. De généreuses indulgences récompensent les donateurs et les pèlerins. Les pèlerinages prennent un nouvel essor avec la nomination d'un prêtre résidant, à l'automne de 1881, et l'érection canonique de la paroisse l'année suivante. Dynamique et entreprenant, l'abbé Majorique Bolduc, un Beauceron!, obtient des gouvernements une route d'accès au sanctuaire et une gare du chemin de fer Intercolonial à Saint-Anaclet, où les pèlerins pourront descendre. Il poursuit la décoration intérieure de l'église et établit l'archiconfrérie de Sainte-Anne d'Auray, célèbre sanctuaire breton. 

 

Il profite de ses loisirs hivernaux pour visiter, de janvier à avril, certaines villes canadiennes et les diocèses de la Nouvelle-Angleterre, où il rencontre des émigrés canadiens-français (dont plusieurs du diocèse de Rimouski). Il fait connaître son oeuvre par la publication, à partir de 1882, du Messager de sainte Anne qui, en plus de lectures pieuses, propose une "Chronique des pèlerinages " et des pages d'action de grâces" pour faveurs obtenues. La revue fait place, de 1940 à 1963, au Centre Saint-Germain, organe officiel de l'action catholique diocésaine.

 

LE TRAVAIL DES EUDISTES

Le succès même des premiers pèlerinages engage le deuxième évêque de Rimouski, Mgr André-Albert Blais, à confier le sanctuaire et la paroisse à une communauté religieuse. Chassés de France par les lois anticléricales, les Eudistes, sous la direction du père Joseph-Marie Dréan (un Breton et un fervent dévot de Sainte-Anne d'Auray), entrent en fonction en octobre 1903.   L’année suivante, les Filles de Jésus, une communauté (bretonne elle aussi) de religieuses enseignantes, viennent prendre charge de la maison des pèlerins, s'occuper du presbytère et ouvrir une petite école, qui deviendra un couvent et un pensionnat. En plus de prendre un soin tout particulier de l'église, qu'ils rénovent et embellissent périodiquement, les Eudistes créent, dans les alentours du sanctuaire, un environnement de grande beauté: un parc magnifique où se déroulent les processions et où élèvent plusieurs statues (sainte Anne, saint Joseph, saint Jean-Eudes) et une grotte (érigée en 1954); un calvaire pour commémorer, en 1907, le 25e anniversaire de la paroisse; une fontaine où trône une statue de Sainte-Anne (comme à Auray); un monument au Sacré-Coeur (1918).

 

Mais le plus bel ornement, qu'on retrouve aujourd'hui à l'intérieur du sanctuaire, est la grande statue en bronze, vêtue d'or, que le père J.-M.Courtois, curé de 1929 à 1950, rapporte de France; elle est la reproduction exacte de celle qui orne le sanctuaire de Sainte-Anne d'Auray, en Bretagne, et qui rappelle elle-même celle qu'a découverte Yves Nicolazic, au XVIIe siècle ¹. Ainsi est renouvelé le lien déjà créé par l'affiliation à l'archiconfrérie de sainte Anne, du célèbre sanctuaire breton.

       

 

 

LES PÈLERINAGES TRADITIONNELS

Une meilleure continuité étant désormais assurée par la présence des Eudistes (et les moyens de communications s'améliorant), les pèlerinages deviennent de plus en plus populaires. Située à mi-chemin du sanctuaire national de Sainte-Anne-de-Beaupré et du plus modeste de Sainte-Anne-de-Restigouche, Sainte-Anne-de-la Pointe-au-Père attire surtout, outre des pèlerins isolés qui viennent d'un peu partout, des groupes provenant majoritairement des diverses  paroisses du diocèses de Rimouski. Certains comprennent plusieurs centaines de pèlerins qui viennent à pied quand ils habitent les environs, en train (plus rarement), en voitures (bogheis, quarte roues à planche, calèches, charrettes ... ) et, plus tard, bien sûr, en automobiles et en autocars. 

 

Parmi les pèlerinages spéciaux, on peut signaler, entre autres, ceux des Indiens de Bersimis (avec lents cantiques chantés dans leur langue), ceux des soldats du Camp 55 de Rimouski pendant la Seconde Guerre mondiale, ceux des élèves (de Philosophie Il et de Rhétorique) du Séminaire de Rimouski qui partent de leur institution à 5 h 30 du matin pour parcourir six milles à pied et atteindre le sanctuaire vers sept heures, attendre la messe et un sermon et déjeuner sur place.

Quel que soit le pèlerinage, tout est mis en oeuvre pour lui conserver un caractère religieux. Dès 1885, Mgr Langevin promulgue un Règlement à suivre dans les pèlerinages organisés: messe, communion, action de grâces et vénération de la relique de sainte Anne; pause d'environ une heure; instruction, bénédiction solennelle du Saint Sacrement et prière à sainte Sainte-Anne.

La fête de sainte Anne (26 juillet) donne lieu à des réjouissances populaires: décoration du village (arcs de triomphe, reposoir, pavillons ... ), promenade aux flambeaux, illuminations et feux d'artifice le 25; offices religieux solennels, présidés par l'évêque, le lendemain. La vénération de la relique y est toujours populaire et une série d'ex-voto (dont des petit bateaux, comme à Sainte-Anne d'Auray), exposés dans l'église, rappellent plusieurs faveurs obtenues.

À diverses reprises (par exemple, en 1932 et en 1958), les autorités religieuses se plaignent d'un fléchissement dans l'affluence des pèlerins. Mais, à chaque fois, il y a regain de vie et, malgré tous les bouleversements survenus au Québec, le Sanctuaire est toujours populaire aujourd'hui . Avec, bien sûr, des aménagements nouveaux dus aux circonstances. La première chapelle a été malheureusement détruite et remplacée par l'église actuelle en 1960. Le dernier Eudiste a quitté la paroisse en 1967. Leurs successeurs, des prêtres séculiers, continuent la tradition plus que centenaire, mais avec la vision de Vatican II.    


1 Charles Le Quintrec, Sainte-Anne d'Auray, Rennes, Ouest-France, 1977, 32 p.

2 Document reproduit dans Une lumière sur la côte, Pointe-au-Père, 1882-1982, Pointe-au-Père, Corporation des fête du centenaire, 1982, p.110.

3 Document produit dans L'Église canadienne - volume 32, numéro 6/7 - juin/juillet 1999

* Nive Voisine, auteur de cet historique, professeur émérite (en histoire) de l'université Laval.

 

 

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