Archidiocèse de Rimouski
Lettre pastorale
sur le Chantier diocésain
Chères diocésaines,
chers diocésains,
nous venons d'entendre une page d'Évangile qui nous invite à la reconnaissance. Souvent, il est vrai, nous oublions de dire merci. Pourtant, nous avons tant reçu et gratuitement. « Qu'as-tu que tu n'aies reçu? », nous rappelle saint Paul.
Nous bénéficions du don le plus grand et le plus gratuit de tous : celui de la vie. De plus, nous sommes presque tous nés dans une famille chrétienne. Nous y avons appris les noms de « Jésus » et de « Marie » en même temps que ceux de « papa » et de « maman ». Encore tout petits, nous avons commencé à prier en disant : « Mon Dieu, je vous donne mon coeur... »
Les écoles que nous avons fréquentées ont pris la relève de l'éducation chrétienne reçue dans nos familles. Nous avons aussi grandi dans une communauté paroissiale qui a joué le rôle d'un véritable milieu écologique pour la croissance de notre foi.
Si je rappelle le passé, ce n'est pas pour nous apitoyer sur ce que nous vivons aujourd'hui. Les regrets seraient-ils justifiés, ils ne font guère avancer les choses. Que ces souvenirs d'autrefois nous aident plutôt à rendre grâces à Dieu, l'auteur de tout bien. Qu'ils nous permettent également de dire merci à toutes les personnes par qui ces dons de Dieu nous sont parvenus : nos parents et grands-parents, nos amis, nos éducatrices et éducateurs.
Or, la meilleure façon de leur dire merci, c'est de prendre leur relève et d'actualiser, à notre manière, leurs convictions et leurs valeurs. Un commandement de Dieu nous dit : « Honore ton père et ta mère. » Le plus bel hommage que nous pouvons leur rendre, c'est de continuer, à notre façon, ce qui les a fait vivre. Comme dans la course à relais, ils ont reçu le témoin et ils nous l'ont transmis. À notre tour maintenant...
Bien sûr, le défi est plus grand qu'autrefois. Pour de multiples raisons, la foi, la pratique religieuse, le témoignage chrétien paraissent souvent à contre-courant de la mentalité moderne. Ces difficultés ont été accentuées par la loi 118. En effet, depuis juin 2000, nos écoles ne sont plus catholiques, le temps de l'enseignement moral et religieux catholique est réduit et ne vise plus à faire des croyantes et des croyants. De plus, en juillet 2002, l'animation pastorale des écoles primaires sera remplacée par une animation spirituelle et d'engagement communautaire qui pourrait avoir peu de références chrétiennes ou religieuses.
Chantier veut d'abord nous aider à prendre conscience de ces faits, à bien mesurer le défi que représente la transmission de notre héritage de foi aujourd'hui. Surtout nous nous demanderons comment proposer aujourd'hui la foi aux jeunes. La question sera posée tout particulièrement aux jeunes parents : ont-ils le désir d'être, pour leurs enfants, des passeurs de la foi? Jusqu'où sont-ils prêts à s'impliquer pour le faire?
Un deuxième défi concerne la vitalité de nos communautés chrétiennes. À leur manière, elles représentent aussi un héritage légué par nos ancêtres. Héritage dont nous ne reconnaissons pas suffisamment le prix. En effet, nos communautés sont les milieux de vie où bat le coeur de l'Église; elles sont le terreau où elle s'enracine.
En ce dimanche où Jésus nous invite à la reconnaissance (Luc 17, 11-19 : la guérison des dix lépreux), rappelons-nous que, grâce à nos communautés chrétiennes, l'Église a été pour nous comme une mère. Par le Baptême, elle nous a fait naître à une vie nouvelle d'enfants de Dieu, elle nous a nourris de la Parole et du Pain de vie, elle a soutenu nos efforts pour vivre dans la fraternité et l'engagement. En somme, nos communautés chrétiennes continuent pour nous la présence et l'action de Jésus.
Or, nous le constatons, beaucoup de choses ont changé depuis les dernières dizaines d'années. La pratique dominicale a chuté; le nombre de prêtres, religieuses et religieux a diminué; la relève est faible. Des paroisses sont jumelées ou groupées en secteur. Plusieurs d'entre elles font face à des contraintes financières importantes.
Chantier va nous permettre de poser ensemble un regard lucide sur ces réalités. Il va nous aider à prendre la mesure du défi que représente la vitalité d'une communauté chrétienne dans le monde d'aujourd'hui, trop souvent individualiste, affairé, matérialiste, etc. Rappelons-nous qu'un chrétien seul, une chrétienne seule sont des chrétiens en danger. Et alors, est-ce qu'il ne nous faudra pas développer une nouvelle manière de faire communauté, une nouvelle manière de vivre en Église? Une question peut même être posée : toutes nos communautés paroissiales ont-elles un avenir? À l'évidence, cet avenir dépend largement de leurs membres.
Un troisième défi se rapporte à la présence de notre Église dans notre milieu. Nous observons, d'une part, la tendance à refouler la foi et la religion dans la sphère de la vie privée. De plus, certains médias s'intéressent davantage aux faiblesses de l'Église qu'à la beauté de son message.
Chantier nous aidera à voir comment nos communautés chrétiennes et notre Église diocésaine pourront être « sel de la terre et lumière du monde ». Ensemble, demandons-nous comment témoigner du grand commandement de l'amour, particulièrement à l'égard des pauvres, des personnes âgées ou malades et des nombreux blessés de la vie. Comment accomplirons-nous notre mission d'être signes de la présence et de l'action de Dieu dans notre monde?
Frères et soeurs, vous le voyez, ces questions sont de première importance. Il nous faut les aborder, sans pessimisme, sans optimisme naïf mais plutôt avec espérance. Avec espérance, parce que nous croyons que Dieu continue à être présent et agissant dans notre monde; parce que nous croyons que son Esprit Saint veut faire du neuf dans notre Église. Mettons-nous à l'écoute de ce qu'il tente de nous dire à travers tout ce que nous vivons aujourd'hui. Il empruntera sans doute le coeur et la bouche de frères et de soeurs habités par son amour. Mettons-nous donc à l'écoute des uns et des autres.
Dans cet esprit, j'invite le plus grand nombre possible de diocésaines et diocésains à faire Chantier. L'évêque, les prêtres et les agents de pastorale ne peuvent décider seuls des orientations de notre Église. Ils ont besoin d'entendre les fidèles exprimer leurs besoins, leurs attentes. Ils désirent savoir jusqu'à quel point leur communauté chrétienne, leur foi, la personne et le message de Jésus leur tiennent à coeur. Ensemble, voyons quel avenir nous pouvons entrevoir pour notre Église diocésaine. Par notre engagement dans Chantier, nous dirons à Dieu notre foi dans la possibilité du nouveau départ dont elle a besoin.
Chacune de nos Eucharisties nous permet de puiser à la source de la vie et de l'amour : Jésus-Christ. Prions-le de nous envoyer le souffle de son Esprit Saint pour qu'il répande à nouveau son amour en nos coeurs. Car avant tout, c'est notre amour pour Dieu et pour tout être humain qui est la source la plus féconde de nos engagements. Seul l'amour peut nous inciter à faire connaître la personne et le message de Jésus, à garder nos communautés chrétiennes vivantes et à être signes vivants de la présence de Dieu dans notre monde. Oui, « viens Esprit Saint, remplis le coeur de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour ». Amen.
+ Bertrand Blanchet
archevêque de Rimouski
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Rimouski, le 14 octobre 2001
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