Diocèse de Rimouski

Jubilé extraordinaire de la Miséricorde

Année sainte, du 8 décembre 2015 au 20 novembre 2016


L'INDULGENCE DU JUBILÉ

par l'Abbé Paul-Émile Vignola

NOTE :

Ce texte a été rédigé à l'occasion du Grand jubilé de l'An 2000, mais il est toujours d'actualité pour le Jubilé extraordinaire de la Miséricorde. On peut s'y référer en l'adaptant à cette année sainte 2015-2016, ce que nous avons fait pour les textes situés entre [ ].


VOUS PARLEZ ENCORE D'INDULGENCE?

Oui. L'indulgence, comme le pèlerinage, apparaît comme un élément constitutif du jubilé. Suite aux abus et aux controverses auxquels elle a donné lieu au cours de l'histoire, la seule mention du terme «indulgence» provoque aujourd'hui intérêt et incompréhension, voire scandale et moquerie. Reconnaissons au [Pape Jean-Paul II le mérite d'avoir donné] l'heure juste à ce propos. Voyons ce qu'il en dit: «En elle se manifeste la plénitude de la miséricorde du Père, qui vient à la rencontre de tous avec son amour, exprimé avant tout par le pardon des fautes. Ordinairement, Dieu le Père accorde son pardon par le sacrement de Pénitence, ou de la Réconciliation.» (Incarnationis mysterium, 9)

Je souligne la première affirmation du Pape [Jean-Paul II], car elle me renvoie à la parabole des ouvriers de la onzième heure; ceux qui ont travaillé toute la journée critiquent la générosité du maître pour les derniers venus. La réponse de celui-ci donne un éclairage utile pour accueillir l'indulgence jubilaire.

Écoutons encore le [Pape Jean-Paul II] : «Le fait d'avoir été réconcilié avec Dieu n'exclut pas qu'il reste certaines conséquences du péché dont il est nécessaire de se purifier. C'est précisément dans ce cadre que prend toute sa valeur l'indulgence; par elle est exprimé le "don total de la miséricorde de Dieu". Par l'indulgence accordée au pécheur repenti, est remise la peine temporelle pour les péchés déjà pardonnés quant à la faute». (Incarnationis mysterium, 9)


LA PEINE TEMPORELLE», QU'EST-CE QUE C'EST CELA?

Cette notion s'inscrit dans la doctrine et la pratique de l'Église à propos du péché et du sacrement de Pénitence. Selon l'exposé qu'en donne le Catéchisme de l'Église catholique, «le péché a une double conséquence. Le péché grave nous prive de la communion avec Dieu, et par là il nous rend incapables de la vie éternelle, dont la privation s'appelle la "peine éternelle" du péché. D'autre part, tout péché, même véniel, entraîne un attachement malsain aux créatures, qui a besoin de purification, soit ici-bas, soit après la mort, dans l'état qu'on appelle Purgatoire. Cette purification libère de ce qu'on appelle la "peine temporelle" du péché. Ces deux peines ne doivent pas être conçues comme une espèce de vengeance, infligée par Dieu de l'extérieur, mais bien comme découlant de la nature même du péché. Une conversion qui procède d'une fervente charité peut arriver à la totale purification du pécheur, de sorte qu'aucune peine ne subsisterait.» (No 1472)


COMMENT SE FAIT-IL QUE LE SACREMENT DU PARDON NE RÈGLE PAS TOUT?

Il en va de ce que nous sommes et de la nature du péché, une réalité dont nous avons, hélas, perdu de vue la malice et la gravité. Lorsqu'il confesse ses péchés, le croyant reçoit vraiment le pardon: sa faute est effacée; il peut à nouveau prendre part pleinement à l'Eucharistie, signe de la communion restaurée avec le Père et avec son Église. Mais le pardon, accordé gratuitement par Dieu, n'est pas un coup de baguette magique qui changerait automatiquement nos vies sans un engagement réel de notre liberté. L'acte sacramentel doit être accompagné d'un acte existentiel de ma part, d'une réelle purification de la faute, ce qu'on appelait Faire pénitences. Monseigneur Robert Lebel a recours à l'image du fanal. Avec le péché, je suis plongé dans la noirceur. Le sacrement rallume la flamme qui m'éclaire; mais, pour y voir nettement, je dois moi-même frotter le globe de mon fanal terni par la suie. Je propose un autre analogie; vous consultez un médecin qui vous donne un casse-grippe efficace; il vous guérit de l'infection, mais il vous laisse le soin de vous moucher et de vous essuyer le visage.

Au fond, il s'agit, comme le dit bien le Catéchisme de l'Église catholique, de grandir dans la charité, l'amour de Dieu, et de nous dégager de notre égoïsme, de nos liens malsains ou désordonnés. On le faisait aux premiers siècles de l'Église en supportant des peines très lourdes et très longues. Cela manifestait une volonté ferme de se détourner du mal et de se réorienter vers le bien, ce qui ne se fait pas d'un coup. Il y faut du temps et des efforts soutenus. La facilité avec laquelle on accède maintenant au Pardon nous a fait oublier l'importance du travail de conversion qui s'impose à chacun. Non seulement le Pape [Jean-Paul II] nous y invite-t-il, mais il nous y engage en nous proposant de «gagner» l'indulgence.

Le cadeau que nous offre ici l'Église révèle une fine pédagogue: il allège notre «peine» en nous inculquant l'urgence de la «pénitence». Car on n'a jamais fini de se convertir, de se tourner vers Dieu.


QUI PEUT BÉNÉFICIER DE L'INDULGENCE?

L'indulgence du Jubilé peut être obtenue pour soi-même; elle peut aussi être appliquée aux âmes des défunts, mais non à une autre personne vivante. On peut l'obtenir chaque jour du Jubilé, mais une seule fois par jour.


IL Y A DES CONDITIONS À REMPLIR?

Oui. On pense le Jubilé sur le modèle du pèlerinage: il a son sommet dans la rencontre avec Dieu, son point de départ dans le sacrement de Réconciliation et son point d'arrivée dans l'Eucharistie. Il faut donc se confesser sacramentellement. Cependant, il n'est pas nécessaire de le faire chaque fois (par exemple, chaque jour d'un pèlerinage d'une semaine) qu'on accomplit la démarche requise pour obtenir l'indulgence.

Ensuite, il faut prendre part à la célébration eucharistique et y communier.

Enfin il faudra effectuer un pèlerinage [au sanctuaire Sainte-Anne de Pointe-au-Père] ou à toute autre église désignée par l'évêque [liste à venir prochainement]. S'il est possible, on y participe à une célébration liturgique; autrement, on y consacre un bon moment à la méditation et à la prière fervente aux intentions de l'Église et du Saint-Père.


CELA SE LIMITE À DES ACTIVITÉS DE PIÉTÉ ET DE DÉVOTIONS!

À l'activité de pèlerinage on peut substituer une oeuvre de charité et de pénitence; on pourra visiter des gens qui se trouvent dans la nécessité ou la difficulté (malades, prisonniers, personnes âgées ou seules, handicapés, etc.). De fait, si on se rappelle les mots de Jésus au sujet de jugement dernier (Matthieu 25, 34-36), on réalise alors un pèlerinage vers le Christ présent en eux. On pourra aussi jeûner ou s'abstenir pendant une journée de choses superflues comme le tabac ou les boissons alcoolisées pour donner aux pauvres une somme proportionnelle à l'économie réalisée. On pourra enfin apporter une contribution significative à des oeuvres à caractère social ou religieux, ou bien consacrer une partie convenable de son temps libre au profit de la communauté.


TOUT CELA CONVIENT AUX BIEN PORTANTS.
QU'EN EST-IL DES GENS ÂGÉS OU MALADES?

[...] Dispositions pour l'obtention de l'indulgence du Jubilé : «Tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, ne sont pas en mesure de sortir de chez eux, pourront accomplir une visite de la chapelle de leur maison, au lieu de la visite d'une église déterminée; et si même cela leur est impossible, ils pourront obtenir l'indulgence en s'unissant spirituellement à tous ceux qui accomplissent de manière ordinaire l'oeuvre prescrite, offrant à Dieu leurs prières, leurs souffrances et leurs privations». [Incarnationis mysterium, Annexe]


N'Y A-T-IL PAS LE RISQUE CHEZ CERTAINS D'UNE COURSE AUX INDULGENCES?

Quand vous traitez avec des humains, vous courez toujours des risques. Cela dit, on ne peut acheter son salut. À propos de l'indulgence, on ne devrait jamais parler en termes de quantité mais de qualité; il faut penser en termes d'amour et de communion. «Gagner des indulgences, c'est faire une démarche où on reconnaît avoir besoin de Jésus-Christ, de sa Mère et des élus pour nous montrer présentables devant Dieu», [écrivait Mgr Robert Lebel]. Car nous puisons alors dans le trésor de l'Église formé des mérites du Sauveur, de Marie et des saints et saintes de tous les temps. On actualise la communion des saints, ce partage dans la charité entre le ciel, la terre et le purgatoire.


À NOTRE ÉPOQUE, AVONS-NOUS ENCORE BESOIN DE CELA?

Toutes ces dispositions chatouillent, indisposent même, notre sensibilité d'enfants de la Modernité, ce que nous sommes devenus depuis une certaine «Révolution tranquille». Selon cette mentalité, il me revient de décider ce qui est bon pour moi, quand et où cela me convient. À ce jeu, hélas, le Moi s'est érigé comme notre nouveau dieu. Comme Adam et Ève, nous entendons décider nous-mêmes du bien et du mal. Nous avons donc besoin de ré-écouter l'interpellation du Seigneur: «Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur.» (Marc 12, 29) L'année jubilaire étant une année de conversion, nous avons un pas à faire sur ce long chemin qui va de la terre des hommes au royaume de Dieu, ces deux réalités désignant non pas des lieux mais des mentalités. Nous avons à renoncer à cette prétention de tout décider nous-mêmes et accueillir les dispositions établies par le magistère de l'Église selon le pouvoir de lier et de délier qui lui a été accordé par le Christ Jésus. La pauvreté du coeur y aidera beaucoup; d'après la première béatitude, n'ouvre-t-elle pas la porte du Royaume des Cieux?

Un des éléments constitutifs de l'année jubilaire, l'indulgence s'inscrit dans l'année sainte, une année de grâce comme Jésus l'a proclamée dans la synagogue de Nazareth (Luc 4, 18-19), une année de miséricorde où nous ouvrons nos coeurs à l'Esprit qui y finit le travail de notre conversion selon les termes de la séquence de la Pentecôte, une année de conversion enfin où, plongés dans l'Amour de la Trinité, nous nous laissons réconcilier avec Dieu et entre nous.

Paul-Émile Vignola, prêtre, le 22 janvier 2000.

Parution initiale dans D'une semaine à l'autre, vol. 35, no 17 (7 février 2000).


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