Diocèse Saint-Germain de Rimouski
HOMÉLIES POUR LA FÊTE DE SAINT GERMAIN DE PARIS 28 MAI
Rosaire Dionne
Paul-Émile Vignola
Première suggestion (Rosaire Dionne):
Saint Germain de Paris : un modèle et une inspiration
Frères et soeurs, que penser le jour de la fête de notre saint patron ? Savons-nous pourquoi saint Germain fut désigné patron du diocèse et titulaire
de la Cathédrale de Rimouski?
On ne choisit pas le saint patron d'un diocèse par hasard. Avant de décider, on se demande si le saint a des affinités avec les gens qui seront sous son
patronage. On examine si ce saint sera vraiment un modèle et une inspiration pour l'ensemble des croyants du milieu. On se demande si le choix fait
sera valable pour longtemps.
En nous replaçant dans l'histoire de l'Église de Rimouski depuis 1829, malgré les légendes qui embrouillent un peu le portrait de notre patron, nous
pouvons dire que le choix de Monseigneur Panet, évêque de Québec, fut judicieux.
Nous, qui avons parfois une mémoire historique fragmentaire et une âme religieuse inquiète, nous voulons toujours devenir des croyants forts,
droits, généreux, capables d'une vie intérieure libre et de vivre une religion adulte qu'enveloppe le quotidien et l'actualité. Et alors, sans trop le savoir
et l'exprimer, nous sommes dans l'esprit de notre patron. «Qui renie ses origines n'a même pas d'origines» dit un proverbe islamique.
Au tout début, des Rimouskois avaient une tendance marquée pour saint Germain d'Auxerre. Et d'ailleurs, une toile de ce saint est toujours dans le
bas choeur de l'église cathédrale. Elle garde toute sa valeur. Nous y voyons l'évêque remettre à sainte Geneviève une médaille d'airain timbrée d'une
croix comme signe de sa consécration à Dieu. Cette toile, d'un auteur français inconnu, serait une contribution de Germain Lepage. Ce dernier était
né à Notre-Dame d'Ouenne, dans le diocèse d'Auxerre. Venu à Rimouski avec le Seigneur René Lepage, son fils, en 1696, on plaçait la paroisse sous
le patronage de saint Germain.
Nous comprenons que monseigneur Panet, alors évêque de Québec, devait donner de bonnes raisons pour suggérer saint germain de Paris comme
patron, en 1867. S'il est venu de Québec par le fleuve, les Rimouskois n'ont cependant pas fait de vagues. En bon diplomate, il a reconnu les origines
illustres de saint Germain d'Auxerre : noble patricien, avocat et farouche chasseur. Il proposa ensuite saint Germain de Paris, modeste d'origine, bon,
zélé, pieux et charitable. À son avis, il convenait mieux aux diocésains.
Désormais, notre patron s'appelait saint Germain de Paris. Il n'est pas un personnage quelconque. La droiture était l'une de ses grandes qualités.
Impossible d'acheter cet homme ; impossible d'en arriver à des compromis ambigus avec lui. Ses oui étaient clairs et fermes ; ses non également. On
lui reconnaît de l'audace. Sa seule conscience le guidait. Germain de Paris n'était pas un homme qui cherchait à sauver sa peau sans se soucier des
autres. Il tenait au salut des siens. Il se donna pour leur cause. Il était d'une grande charité. Il savait prendre sa place, il savait aussi laisser aux autres
leur place.
Voilà trop brièvement esquissé le portrait du patron de notre diocèse : un fils d'ouvrier, un moine et un évêque devenu un saint. Nous nous
réjouissons de l'avoir comme modèle et inspiration. Il ne suffit cependant pas de se réjouir, il faut accueillir la mission qu'il nous donne et tirer les
conséquences pour les temps que nous avons à vivre et l'avenir que nous avons à bâtir. Retenons deux points particulièrement importants.
Nous comprenons bien qu'il ne s'agit pas de copier le passé. «Il n'est pas de refaire ce que les autres ont fait, écrivait Paul Valéry, mais de découvrir
l'esprit qui a fait de grandes choses et qui en ferait de toutes autres en d'autres temps». Cependant, la nécessité d'adhérer au Christ demeure toujours.
Il donne sens à notre vie. Il apporte de la lumière là où la violence, l'injustice gagnent du terrain. Il fait voir que la croissance de l'amour, de la
douceur et de la paix est possible.
De plus, nous sommes persuadés que ceux qui ont fondé le diocèse étaient des croyants courageux, lucides et prophétiques. Continuerons-nous à
grandir en fixant notre regard sur le Christ et les pionniers de notre histoire ? Faisons-nous personnellement et communautairement ce qui est requis
pour qu'il en soit ainsi ?
Deuxième point important : la conversion. Un pareil appel dérange. On voudrait être du Christ et dans la foulée des fondateurs sans être bousculé et
sans rien changer à sa vie. Ce qui est impossible. Une foi en Jésus et en les autres qui ne dérange rien est une foi morte. Il ne s'agit pas de demeurer
enfants et de pratiquer une religion de petits moralistes. Une religion qui n'interpelle plus est une religion décadente. «Le temps n'est-il pas venu,
écrivait Benoît Lacroix, o.p., pour plusieurs d'entre nous, de prendre une certaine distance au niveau de l'esprit, je veux dire face à certains tireurs
d'élite, pas très nombreux mais mobiles au possible, qui veulent assassiner ce qu'il y a de plus fondamental dans un peuple : son enfance, son âme, ses
croyances».
Sérieuse matière à réflexion que tout cela. Non pour gâter la fête, mais pour lui donner toute sa vérité et toute sa densité. N'est-ce pas ce que nous
avons à penser pour la fête de notre patron !
En célébrant l'Eucharistie, pourquoi ne pas nous rappeler les intentions que monseigneur Jean Langevin approuvait en 1875, pour la neuvaine à saint
Germain de Paris ? «Fais-nous voir ce que nous devons faire... ouvre notre coeur pour que nous entendions et suivions les inspirations de la grâce...
tire-nous de la tiédeur et de l'indifférence... redonne-nous la vigueur qui nous est nécessaire...»
Avons-nous une volonté plus actuelle et plus pertinente pour entrer, avec la grâce de Dieu, dans le troisième millénaire ?
Rosaire Dionne,
ancien curé de la cathédrale
28 mai 2000
Deuxième suggestion (Paul-Émile Vignola) :
Saint Germain de Paris : un pasteur admirable
Frères et soeurs,
Nous célébrons aujourd'hui la fête de celui que les pionniers de Rimouski ont donné comme patron à notre diocèse. Moine, prêtre et puis évêque de Paris, saint Germain naquit vers l'an 496 à Autun et s'éteignit à Paris en 576 au terme d'une vie bien remplie. Les lectures tirées de la Parole de Dieu et proclamées à cette messe nous ouvrent de vastes perspectives pour agir en notre monde et à notre époque comme Germain le fit dans la France du VIe siècle. Homme de prière et d'ascèse, il se fit remarquer par sa grande charité et fut en son temps un agent d'unité.
Dès sa formation initiale, Germain fut initié à la prière et à la mortification. C'est en vérité qu'il priait le psaume 63 « Mon âme a soif du Dieu vivant ». Si le climat moral de l'époque et de la famille de Germain était à la violence, le jeune homme qu'il devient trouve en Dieu sa force et son énergie vitale. Tel est le secret de la vie spirituelle, l'union à Jésus vivant : Lui en moi et moi en Lui. Plutôt que de s'adonner au métier des armes, Germain se laisse façonner par la parole de Dieu auprès d'un parent, son oncle (ou cousin) Scapilion; comme Marie à Nazareth, il s'adonne longuement à l'oraison et à la contemplation. Il réalisait, en son temps, ce à quoi nous invite Jean-Paul II pour le nouveau millénaire : « Il importe toutefois que ce que nous proposerons, avec l'aide de Dieu, soit profondément enraciné dans la contemplation et la prière. Notre époque est une époque de mouvement continuel qui va souvent jusqu'à l'activisme, risquant facilement de "faire pour faire". Il nous faut résister à cette tentation, en cherchant à être avant de faire. Rappelons-nous à ce sujet le reproche de Jésus à Marthe : "Tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire" » (Au début du troisième millénaire, no 15). En 524, alors qu'il a déjà 28 ans, Germain devient moine. Ce choix de vie s'inscrit à merveille dans la ligne de sa formation initiale : tout pour Dieu et pour lui seul! Six ans plus tard, on l'ordonnera prêtre.
Au monastère de Saint-Symphorien, il se signale par sa grande charité et sa recherche de la perfection. À 55 ans, il deviendra abbé, c'est à dire supérieur de l'institution. Certains moines n'ont pas l'air de s'en réjouir. On lui reproche de distribuer le pain aux pauvres et aux voyageurs auquels il fait bon accueil; il en manquerait ensuite pour ses frères. C'est vrai qu'il s'imposait lui-même de grandes privations. Il entretenait même le défaut d'attendre des autres autant qu'il se demandait à lui-même... Il ne se contentait donc pas de relire et de commenter ce que saint Paul écrivait aux Ephésiens; il le mettait en pratique : « Ayez beaucoup d'humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les unes les autres avec amour; rassemblés dans la paix, ayez à coeur de garder l'unité dans un même Esprit » (Éphésiens 4, 2-3). La vie communautaire, propre de la vie religieuse, ne peut s'épanouir dans l'harmonie hors d'un climat imprégné de ces conseils.
Bien que païen, le roi fait pression pour que Germain devienne évêque de Paris. Le saint homme tente d'abord de se soustraire, mais il découvre dans la prière et la mortification qu'il ne peut fuir cette mission sans devenir infidèle à la volonté de Dieu sur lui. Si l'ordination épiscopale n'amène pas Germain à modifier ses habitudes de religieux au plan de l'ascèse et de la prière, il se fait dès lors le pasteur de touts ses diocésains, tant des riches que des pauvres, tant par la parole dans sa prédication que par sa présence charitable auprès des malades, des tourmentés et des prisonniers. Sa patience, sa douceur et la sincérité de sa foi amenèrent la conversion du roi et d'une partie de sa cour. Face à la rudesse des moeurs, Germain se montre surhumain par la charité et le partage comme par son amour de la prière et des mortifications. Porteur de la Bonne Nouvelle et de la Vérité de l'Évangile, on le respecte comme orateur sacré et ses avis sont recherchés dans les conciles. Il favorise la prière du peuple confié à ses soins par une réforme de la liturgie et l'édification de nouvelles églises.
Avant de confier la garde de son troupeau à Pierre, le Christ ressuscité lui demanda par trois fois : « M'aimes-tu ? » (Jean 21, 15-18). Si Germain s'est révélé, comme vingtième évêque de Paris, un pasteur admirable, c'est parce que son coeur débordait d'amour pour Dieu et son prochain au point de susciter d'innombrables conversions, de guérir des malades et même de ressusciter des morts. Nous pouvons donc être fiers d'avoir un tel patron qui servit Dieu et l'Église jusqu'à sa quatre-vingtième année de vie. N'hésitons pas à l'invoquer : sa puissance d'intercession n'a sûrement rien perdu de son efficacité depuis son entrée dans la gloire du Ressuscité. « Maintenant auprès du Père, aide-nous à mieux aimer ! »
Paul-Émile Vignola, ptre,
Rimouski, le 30 avril 2001.
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