Volume 14 Numéro 4-5 Avril-Mai 2003  

À TRAVERS VENTS ET MARÉES
Francine Cabana

À l’automne, avec le directeur de Au Coeur de la Vie, Réjean Levesque, je me suis rendue sur l’Île Verte afin de pouvoir faire connaître à nos lecteurs et lectrices quelques éléments de la vie quotidienne et pastorale des insulaires. Le temps était chagrin et l’île s’est révélée à nous de façon un peu mystérieuse, émergeant du brouillard au fur et à mesure que nous en approchions. Et puis sur le quai, le soleil brillait en la chaleureuse personne de Gisèle Pharand, l’agente de pastorale résidant sur l’île. Elle nous a amenée au presbytère où nous attendaient les femmes qui travaillent avec elle pour garder constamment allumée la lumière du phare pastoral.

Une communauté pleine de vie

Avec sa population de 38 personnes, la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est la plus petite de notre diocèse. Et pourtant quelle vie y est présente. Toute la journée nous avons “jasé pastorale” avec nos hôtesses. Nous les avons écouté parler de la vie de l’île qui, si elle est très active l’été avec les résidents saisonniers qui s’installent, entre en « dormance » l’automne venu. Nous avons vu briller dans leurs yeux l’amour pour « leur » île.

Nous avons entendu leur soif de célébration eucharistique où l’on prend le temps de prier, d’être ensemble. Elles nous ont redit comme elles avaient apprécié la première eucharistie célébrée sur l’île par leur nouveau pasteur, l’abbé Raynald Brillant, célébration empreinte de calme et de ferveur. Nous avons pu constater avec quelle ferveur elles organisent les assemblées de prière lorsque l’eucharistie ne peut être célébrée. Avec elles nous avons prié dans la petite chapelle qui a été aménagée au presbytère.

Nous avons aussi bien sur parlé du Chantier diocésain et des orientations qui en découleraient et qui toucheraient ensuite toutes les communautés paroissiales du diocèse. Et c’est en parlant ainsi que nous avons connu la vie différente de cette petite communauté chrétienne. Des questions bien concrètes ont été soulevées. Comment par exemple s’intéresser à la dimension transmission de la foi quand il n’y a plus de jeunes pour l’initiation sacramentelle sur l’île ? Comment se donner une formation adéquate quand on est dépendant des marées pour rejoindre la terre ferme ?

La réalité pastorale de l’Île

Il aurait été possible de décrire la réalité pastorale de l’île suite à cette journée dans mes mots à moi. Je préfère avec l’accord des personnes que nous avons rencontrées leur laisser le faire avec les mots qu’elles ont elles-même choisis pour en faire part dans le rapport qu’elles ont présenté à la Commission du Chantier diocésain. Voici donc comment les « gens de l’île » voient leur réalité pastorale.

RAPPORT CHANTIER DIOCÉSAIN 2001-2002

Paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs

Considérant que notre paroisse vit déjà depuis dix ans sans la présence régulière (hebdomadaire) d’un prêtre;
Considérant que notre paroisse est, depuis ce temps, desservie par une équipe de pastorale; Considérant que depuis quinze ans, il n’y a plus d’école dans l’Île;
Considérant que depuis peu, il n’y a plus d’enfant d’âge scolaire en permanence dans l’Île;

Nous répondons au questionnaire en tenant compte de cette réalité.

En 1990, devant la menace d’une fermeture possible de leur paroisse, l’état de choc passé, les paroissiens prirent en charge celle-ci, animés d’une détermination à faire revivre cette petite paroisse en décrépitude. On s’est mis à reconstruire, mettant l’accent sur l’essentiel : prier ensemble.

Transmission de notre héritage de foi et
Moyens de revitaliser notre Église

On s’est donné comme mandat d’offrir un lieu de rassemblement où il est possible de vivre : recueillement en petit groupe, intimité, intensité, moments privilégiés de silence et quête de sens.

Durant l’hiver, les célébrations de la Parole ont lieu chaque dimanche dans la petite chapelle du presbytère (une dizaine de paroissiens).

L’été, toutefois, vu l’augmentation du nombre de paroissiens (une cinquantaine) et grâce à la présence de prêtres invités en vacances au presbytère, des messes dominicales sont célébrées dans l’église.

Que ce soit à l’église ou à la chapelle, c’est la présence de Dieu que l’on recherche humblement. Beaucoup d’emphase est mise sur l’approfondissement de la Parole, la compréhension des signes sensibles, la sobriété des lieux, la simplicité des célébrations, l’accompagnement musical, la recherche de sens et les moments de silence.

Les homélies inspirées, adaptées à notre vie dans l’ici-et-maintenant et parfois même inter-actives, permettant ainsi le partage de notre compréhension de la Parole, s’avèrent une nourriture grandement appréciée.

Puisque nous sommes privés de la présence d’un prêtre, nous apprécions d’autant plus les célébrations eucharistiques (messes).

Ce qui nous rejoint, c’est la qualité de présence du prêtre et le respect d’un rythme plus lent, nous permettant de goûter au sens de la Parole. On a également tendance à vouloir prolonger l’intensité du moment, la durée de la rencontre.

Présence agissante auprès de la communauté

L’important est de nourrir un petit groupe (petite cellule), qui ainsi vivifié, rayonne dans la communauté. Ce même groupe se charge de l’accueil des prêtres, de l’entretien des lieux et de la préparation des événements liturgiques.

La simplicité des lieux aidant, l’église, durant l’été, reste ouverte aux visiteurs pour la prière individuelle.

L’équipe de pastorale reste sensible à la souffrance des autres, accueille et transmet leurs demandes de prière à la communauté des paroissiens.

« Nous sommes persuadés de la présence de l’Esprit Saint dans nos vies, Il nous a guidés à travers vents et marées. »

L’équipe de pastorale
Paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs

En communion de pensée

Au moment de se quitter et après les remerciements d’usage j’ai reçu une ultime recommandation :« Dans ton article, dis aux gens de tout le diocèse qu’on pense à eux et qu’on prie pour eux » Et voilà c’est fait. Nos hôtesses voulaient ainsi manifester leur communion de pensée avec tous ceux et celles qui dans notre diocèse travaillent pour la transmission de notre héritage de foi, même si elles-mêmes ont moins l’occasion de le faire.

Donc si quelques difficultés surgissent dans votre communauté chrétienne, rappelez-vous que la prière des insulaires de l’Île Verte vous accompagne. Regardez vers la mer. Vous la verrez arriver à travers vents et marées.





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