On ne croira jamais assez au dynamisme de la vie; jamais on n'y fera assez confiance. L'histoire de chaque homme illustre ce désir profond de voir la vie s'épanouir, grandir et produire des oeuvres qui ne périront pas. Les collectivités n'échappent pas à cette règle. Les meilleures conditions qui vont permettre aux hommes de mener une vie heureuse et remplie de bonheur sont recherchées par les groupes.

L'histoire de l'Eglise illustre cette loi générale de l'humanité. L'Esprit-Saint qui est Vie a été à l'oeuvre et il a travaillé par les hommes et les femmes de tous les temps; il a éclairé et secondé tous ceux qui ont fait l'histoire du diocèse de Rimouski. Les initiatives les plus diverses jalonnent les cent ans du diocèse; certaines semblent émerger et demeurer plus longtemps; d'autres répondaient à des besoins plus immédiats et plus locaux et n'ont pas connu de lendemain. Sans s'en douter, on vivait déjà la stratégie du provisoire.

Avec des moyens humbles, dans la pauvreté matérielle souvent très radicale, chacun essayait de répondre aux besoins que la vie faisait sourdre ici et là. On a fondé des paroisses, mis sur pied des institutions civiles et religieuses. D'autres sont venus consolider, fortifier les oeuvres naissantes. D'autres ont relevé le défi d'adapter l'oeuvre des devanciers aux besoins nouveaux, à la vie qui ne recule pas, mais qui pousse toujours en avant.

L'histoire de l'église diocésaine est l'histoire de tous les baptisés qui y ont vécu. Chacun a apporté sa part; chacun y a joué un rôle, minime parfois, ignoré bien souvent; l'Esprit-Saint s'est servi de tous et de chacun pour bâtir l'Eglise de chez nous.

La figure du prêtre s'est détachée de cette armée de bâtisseurs. Les circonstances historiques en ont fait un leader qui, tour à tour, a canalisé les énergies des pionniers, a stimulé leur enthousiasme et les a accompagnés dans leur labeur. C'est ainsi qu'on a vu des prêtres se faire instigateurs de mouvements socio-économiques, de colonisation et que sais-je encore.

Le fait de vivre le quotidien avec les gens n'a pas empêché, ni surtout éloigné le prêtre de sa mission sacerdotale: c'était là son champ missionnaire, le lieu privilégié des appels du Seigneur et des signes du temps. Leurs oeuvres répondaient ainsi aux vrais besoins de la population et font partie maintenant de notre héritage chrétien.

La vie du curé Alexandre Bouillon est un exemple d'insertion dans le quotidien de la vie. Fondateur d'une paroisse, il ne ménage rien pour la bâtir sur des assises solides; fondateur d'une communauté religieuse, il ne recule pas devant les épreuves et les difficultés pour mener à bien une oeuvre qu'il croit être voulue par Dieu.

Ce sont les deux traits qui m'ont frappé à la lecture du manuscrit de Soeur Jeanne Roy. je n'ai pas connu l'abbé Bouillon; je connais bien toutefois l'oeuvre qu'il a fondée en 1929 et qui est devenue aujourd'hui la congrégation des Soeurs, Notre-Dame du Clergé. L'attachement et la vénération que ces religieuses portent à leur fondateur est l'expression d'une piété filiale peu commune.

La relation de la vie du curé Bouillon aura eu le grand avantage de faire connaître à la population un élément très riche de notre héritage diocésain. Dieu a voulu qu'un pauvre curé soit l'instigateur d'une oeuvre durable. Pourquoi ne nous aiderait-elle pas à approfondir notre projet d'aujourd'hui? La lucidité, la tenacité et la grande charité qui semblent se détacher de la vie de ce prêtre sont des attitudes évangéliques qu'il nous faut aujourd'hui incarner dans des situations nouvelles.

Si le curé Bouillon et tous les autres curés de son époque revenaient, ils n'auraient peut-être pas le même comportement. Mais les oeuvres que plus d'entre eux ont laissées,- le curé Bouillon en est un - nous portent à croire que leur dynamisme et leur courage ne les arrêteraient pas devant les difficultés... ils seraient encore aujourd'hui des bâtisseurs.

A Soeur Jeanne Roy, toutes mes félicitations! Le volume qu'elle présente au public " Un pauvre de Yahwé " lève un peu le voile sur le mystère d'une vie qui mérite d'être connue.

RAYNALD BRILLANT, PTRE
Rimouski, le 22 octobre 1972.