Message de Mgr Bertrand Blanchet pour le Jubilé 2000

Notre année jubilaire

Avec le souffle puissant qu'on lui connaît, Teilhard de Chardin écrit:

"Ne nous scandalisons plus sottement des attentes interminables que nous a imposées le Messie. Il ne fallait rien de moins que les labeurs effrayants et anonymes de l'Homme primitif, et la longue beauté égyptienne, et l'attente inquiète d'Israël, et le parfum lentement distillé des mystiques orientales, et la sagesse cent fois raffinée des Grecs, pour que sur la tige de Jessé et de l'Humanité, la Fleur pût éclore. Toutes ces préparations étaient cosmiquement, biologiquement nécessaires pour que le Christ prit pied sur la scène humaine... Quand le Christ apparut dans les bras de Marie, il venait de soulever le monde."(Teilhard de Chardin, Mon Univers, 1924).

Voilà donc ce qu'essentiellement nous célébrerons au cours de l'Année jubilaire qui commencera bientôt: non pas un simple changement de date sur un calendrier mais l'entrée de Dieu dans notre famille humaine pour qu'en retour nous entrions dans la famille de Dieu, Dieu qui se fait enfant pour que nous devenions enfants de Dieu. En effet, il y a 2000 ans (ou peu s'en faut), Jésus est venu nous annoncer le désir inouï de notre Dieu Trinité de nous partager un peu de sa vie, de son amour et de sa joie. Depuis lors, dit la Bulle d'indiction du Jubilé, "notre présent et notre avenir sont éclairés par sa présence. Jésus est la véritable nouveauté qui dépasse toute attente de l'humanité."

Voilà pourquoi aussi "L'Année sainte devra être un chant unique, ininterrompu de louange à la Trinité, Dieu suprême" (Bulle d'indiction, no 3). "Notre objectif global sera la glorification de la Trinité, dont tout provient et vers laquelle tout s'oriente dans le monde et dans l'histoire" (Tertio Millenio Adveniente, no 55). Après que nous ayons célébré, pendant trois années consécutives, Jésus-Christ, l'Esprit-Saint et le Père, le deux millième anniversaire de la naissance de Jésus nous donne l'occasion de contempler et de chanter la Trinité - tant dans son mystère d'amour entre les personnes que dans leur désir de nous y faire entrer.

Comment entrer dans l'esprit de cette célébration? Comment réaliser "l'objectif global de la glorification de la Trinité?" En nous assurant que la fête se réalise d'abord dans le sanctuaire de notre coeur, dont saint Paul nous dit qu'il est le temple de la Trinité. Si la fête est là, elle rejaillira spontanément sur le reste de la vie. Et alors, des pratiques très simples peuvent s'avérer les plus fécondes. Par exemple, mettre davantage en valeur les signes de la croix que nous faisons "au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit." Ou encore réciter, avec une certaine nouveauté de coeur, "Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit...; par Lui (Jésus), avec Lui et en Lui, à toi, Dieu le Père Tout-Puissant, dans l'unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire."

Mais nous célébrerons aussi en Église. Jean-Paul II nous invite à mettre en valeur le sacrement de l'Eucharistie, à faire de l'Année jubilaire "une année intensément eucharistique." En chacune de nos Eucharisties, c'est Jésus-Christ lui-même qui s'unit à nous, pour offrir à la Trinité la louange de tout notre être. Ainsi pouvons-nous espérer que, de jour en jour, notre existence trouve des accents eucharistiques. Nous avons sans cesse à redécouvrir le mystère de l'Eucharistie, personnellement et communautairement. Sans doute est-ce une grâce qui nous est offerte en cette Année sainte.

Rien, en tout cela, pour nous détourner de nos priorités diocésaines. Au contraire, l'esprit du Jubilé nous fournira de nouveaux motifs pour continuer à y oeuvrer. C'est le cas pour notre priorité sur l'initiation chrétienne. Quand, le soir de Noël, Jean-Paul II franchira la Porte sainte, il "montrera le saint Évangile, source de vie et d'espérance pour le troisième millénaire." N'est-ce pas d'abord aux jeunes dont l'existence se déroulera principalement dans le prochain siècle, qu'il importe de "montrer ce saint Évangile"? Quelle grande et belle responsabilité que de leur révéler cette Bonne Nouvelle et de les accompagner dans des pratiques où elle se déploie! Ainsi la réception du sacrement de Confirmation ouvrira leur esprit et leur coeur à la présence de l'Esprit-Saint qui les habite. La première des communions leur permettra déjà d'imprimer à leur existence une dimension eucharistique. Quant au premier Pardon, il rappellera, à sa manière, les exigences de l'Évangile auxquelles ils sont déjà confrontés.

Du même souffle, un regard sur l'avenir, si rapide soit-il, nous convainc aisément de l'importance de la formation de personnes capables, à leur tour, de "montrer le saint Évangile". À cette fin, notre nouvelle "École de formation et de perfectionnement en pastorale", notre Service de l'éducation de la foi des adultes, notre Service des ministères, notre programme de perfectionnement des bénévoles représentent des investissements majeurs. D'ailleurs, l'Année jubilaire nous offre l'occasion d'une redécouverte de l'incessante nouveauté de l'Évangile, de l'incessante nouveauté de vie à laquelle il nous convie. À cet égard, je constate avec joie que plusieurs paroisses ou secteurs ont déjà des projets de retraite paroissiale, de journées de ressourcement, de programmes de formation, etc.

Traditionnellement, une Année sainte est aussi une année "de grand retour". Certaines démarches y ont habituellement contribué. C'est le cas du pèlerinage. Il nous rappelle symboliquement que notre existence se déroule sous le mode d'une marche vers notre patrie définitive, que notre condition de croyants est celle de la route et de ses exigences. Notre diocèse possède un lieu de pèlerinage, Sainte-Anne-de-Pointe-au-Père; on pourra y gagner l'indulgence du Jubilé. Après consultation du Conseil du presbyterium et du Conseil diocésain de pastorale, je désignerai les autres églises qui seront reconnues comme lieux de pèlerinage. Dans ce même esprit de pénitence et de charité, il serait intéressant que chaque communauté ou secteur se donne un projet d'ordre social ou caritatif. On concrétiserait ainsi certaines exigences de notre condition de baptisés invités à participer à la vie d'amour de la Trinité. Quelqu'un a dit un jour: "La Trinité est le programme social de l'homme."

Notre Comité diocésain de préparation de l'Année jubilaire nous propose plusieurs projets, tout en demeurant soucieux d'éviter une surcharge de travail. Plusieurs d'entre eux consistent tout simplement à conférer un souffle neuf ou un éclat supplémentaire à certains événements qui tissent déjà notre vie diocésaine: messe chrismale, assemblée des prêtres, neuvaine à Sainte-Anne, Carrefour diocésain, Jeux bibliques, etc. Des groupes qui se rencontrent annuellement pourront donner un supplément de sens à leur rassemblement. C'est le cas du Renouveau charismatique, de la Vie montante, des Chevaliers de Colomb et des Filles d'Isabelle, des Cursillos, etc. Les communautés religieuses, les Scouts du district de l'Orignal ont prévu une grande rencontre à la cathédrale. Fort heureusement, le Comité a prévu deux rassemblements de jeunes, l'un pour la fin du Primaire et l'autre pour les jeunes adultes. Notre Année jubilaire prendra aussi des accents festifs particuliers lors de la création d'un Oratorio pour l'an 2000: "L'amour de Joseph et de Marie."

Notre Église diocésaine s'unira volontiers à l'Église universelle pour quelques-uns des événements du calendrier que Rome propose. Ainsi, je poserai le geste symbolique d'ouverture de l'Année sainte lors de la messe de minuit, à la cathédrale; de même pour sa clôture, à l'Épiphanie de l'an 2001. À l'occasion de l'entrée dans le Carême, je présiderai une liturgie où, en union avec Jean-Paul II, je demanderai pardon pour nos fautes personnelles, mais aussi celles de notre Église diocésaine, celles de l'Église de tous les temps et de tous les pays. De plus, un groupe de jeunes représenteront notre diocèse aux Journées mondiales de la jeunesse, à Rome; ils méritent, bien sûr, notre encouragement. Selon toute probabilité, nous serons également représentés au Congrès eucharistique international.

Donnons également des signes extérieurs de ce que nous célébrons. On a suggéré, par exemple, de confectionner des crèches extérieures pendant la période de Noël, d'utiliser des banderoles, d'inviter les familles à se procurer une bougie qui pourrait être allumée lors de fêtes ou d'anniversaires, de mettre en évidence la belle icône de la Trinité de Roublev, d'afficher le symbole de la Porte sainte, etc. Que la fête soit pour les yeux aussi bien que pour le coeur!

À tous, une belle, joyeuse et sainte Année jubilaire!

+ Bertrand Blanchet, évêque de Rimouski

Rimouski, le 18 octobre 1999

Texte paru dans D'Une Semaine à l'Autre


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